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nature. » Or, là-dessus encore il faut s’entendre. Les premières assonances qui parurent dans la poésie française sont masculines. La cantilène de sainte Eulalie (ixe siècle), la Vie de saint Léger (xe siècle), le roman de Brut (xiie siècle), les œuvres de Marie de France (xiie siècle), en font foi. Au xiiie siècle, Rutebœuf, n’emploie de rimes alternées que dans le poème intitulé : la Desputoison de Charlot et du Barbier ; le reste du temps il se sert indistinctement de rimes masculines ou féminines, sans tenir compte le moins du monde de l’alternance.

À mesure qu’on s’approche du xive siècle, on prend l’habitude d’user des rimes alternées dans les pièces à chanter, comme on peut le voir en parcourant les poésies de Charles d’Orléans, ou celles, plus anciennes, de ce Colin Muset, dont M. Bédier nous a donné une savante édition dans sa thèse latine[1]. Quand la pièce ne doit pas être chantée, des rimes de même nature se succèdent le plus souvent. Villon, Marot, Louise Labé, agissent ainsi. De ce qui précède, on peut donc inférer qu’à l’origine la loi de la succession des rimes a été dictée par la musique, et ce qui porte à croire cette assertion, c’est la phrase de Joachim du Bellay :


  1. De Nicolao Museto (gallice : Colin Muset). Paris, Bouillon.