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Epiſtole.

diſpoſez a repos, ay veu & leu pluſieurs cronicques, hiſtoires & aultres liures traictans des faiz & geſtes de moult grant nombre dempereurs, roys & aultres princes, des lieux dont ilz ſont yſſuz, des origines & premieres creacions de leurs empires, royaulmes & principaultez, de leur longue & briefue duree. Mais encores nay ie veu aucun traicte qui ait eſte entierement compoſe du noble pays de Bretaigne : qui iadis fut appelle le royaulme d Armoricque : ne des noms des roys & princes qui ont occupe & poſſide celuy pays depuis quil fut appelle Bretaigne. A celle cauſe conſiderant la belle propoſition de Tulle au premier liure des offices, ou il dit que des noſtre naiſſance nous ſommes naturellement tenuz & obligez non pas ſeullement a noz progeniteurs, mais au pays auquel nous auons prins noſtre natiuite, & ce que recite Macrobe au prologue du liure quil a compoſe du ſonge de Scipion, ou il dit que a tous ceulx qui conſerueront, ayderont & augmenteront la gloire & lhonneur de leur pays, eſt ordonne & diffini es cieulx auecques les ſaincts, lieu glorieux, propice & conuenable, ie qui ſuis Breton natif du pays de Bretaigne ay bien voulu examiner plus auant les anciennes hiſtoires & cronicques & les vieulx volumes & regiſtres inuoluer : que iay quis & ſerchez es lieux ou lon a couſtume de garder lettres de perpetuelle memoire : & ce que ien ay peu trouuer & extraire iay par eſcript redige ſuccintement & en brief, car briefuete eſt amye de memoire, qui fut le premier Breton, comment Angleterre fut premierement appellee Bretaigne, la maniere & le temps que les Bretons conquirent es Gaulles le royaulme d Armoricque, lequel des lors ilz appellerent Bretaigne, & dreſſe par ordre les noms des Roys, Ducz & princes diceluy noble pays iuſques au temps de feu Francoys deuxieſme de ce nom, dernier duc de Bretaigne, pere de tres haulte, tres excellente, tres puiſſante & tres creſtienne princeſſe Anne, qui premierement par le treſpas de ſon deſſuſdit pere fut ducheſſe de Bretagne & depuis royne de France par le mariage de feu le roy Charles huitieſme & par apres le eſpouſa Loys douzieſme de ce nom roy de

France a preſent regnant, par le moyen deſquelz deux mariages a bon droit eſtoit appellee royne de France, laquelle eſt puis nagueres treſpaſſée de ce mortel ſiecle, toute plaine de iours, delaiſſee ma tres redoubtee excellente & puiſſante princeſſe Claude par la grace de Dieu Ducheſſe de Bretaigne ſon aiſnee fille & heritiere, femme & compaigne eſpouſe de tres excellent & puiſſant prince Francoys duc de Valoys conte d Angouleſme etc. Et en lendroit du regne de chaſcun diceulx princes, je adiouſteray pour la recreation ſpirituelle des lecteurs & auditeurs aulcuns ſais dignes de memoire aduenus en aultres contrees, & aulcunes ſentences & deciſions afferantes aux propos dont ſera traictie : tout ainſy que ie les ay trouuees ſans y mettre ne adiouſter choſe que ie nay veue & leue par eſcript. Et pour ce que lon pourroit dire que ie ne doy preſumer attribuer a ce liure nom ne tiltre de cronique : attendu que le nom de cronique ſe prent de cronon qui eſt vn nom grec, qui vault autant a dire comme temps ou liure contenant les faiz & geſtes de diuers temps, compoſe par celuy qui a ce faire a eſte commis : car il neſt permis à perſonne compoſer cronique ſil ny a eſte ordonne & depute, laquelle charge ne nous auroit du commencement de ceſte œuure eſte commiſe : touteſfoys depuis que nous auons ce preſent ouurage entrepris & iceluy pourſuyui, iuques au temps du premier duc Jehan de Bretaigne, la deſſuſdicte dame royne de France & ducheſſe de Bretaigne a veu & fait lire en ſa preſence ce que ia en auions fait & puis apres nous a expreſſement encharge & commande tant de bouche que par ſes lettres miſſiues, iceluy ouurage parfaire en toute diligence lequel auions intencion luy preſenter ſi ſon dolant & tres dommageable mortel treſpas ne feuſſe ſitoſt ſouruenue & au moyen du deſſuſdit commandement peult on a ce liure atiltrer nom de cronique & nentendons iceluy eſtre appelle hiſtoire : ce ſeroit abuſer de ce nom. Car hiſtoire vient de hiſtorin qui eſt interpreté veoir ou congnoiſtre. Par quoy ne doibt perſonne eſcripre hiſtoire daucuns faitz ſinon diceulx qui ſont de ſon temps. Hiſtoire ſelon ſon vray entende-