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MODULATION ET TRANSPOSITION, ETC.

primitivement choisie. Inutile de dire qu’une longue habitude est nécessaire pour faire correctement la partition.


54. Reproches adressés au tempérament égal. — Les reproches adressés au tempérament égal lors de son apparition sont curieux, et montrent combien ce qu’on peut appeler le sens musical se transforme d’une époque à l’autre.

Les musiciens se plaignirent d’abord qu’on leur enlevât des moyens d’expression ; Rameau eut beau leur dire qu’ils se trompaient, que la variété peut tout aussi bien résulter de l’entrelacement des tons et de la variation de la hauteur absolue, ils répondirent que l’un des procédés n’exclut pas l’autre.

Ils déclarèrent d’ailleurs incidemment que l’on n’obtient jamais pratiquement le tempérament égal : mais c’est là une question sur laquelle nous reviendrons plus loin.

J.-J. Rousseau, dans son Dictionnaire, prétend même que Couperin et Mersenne, au xviie siècle, avaient essayé d’introduire le tempérament égal, mais sans succès ; l’oreille des musiciens se refusant à souffrir la discordance des tierces majeures trop fortes (100 dans le tempérament égal, 97 dans la gamme naturelle).

Quand Rameau disait que l’oreille s’habitue à l’altération de la tierce naturelle, ses adversaires répliquaient qu’ils ne conçoivent pas comment l’orgue pourra s’habituer à supprimer les battements qu’on y entend par cette manière de l’accorder.

Évidemment ce dernier argument est sans réplique ; il montre que la théorie d’Helmholtz sur l’origine des dissonances était implicitement admise bien avant lui. Que l’orgue fasse entendre des battements pour les tierces fausses, c’est incontestable ; qu’il soit déplorable que l’on ne puisse obtenir toutes les tierces naturelles, ce ne l’est pas moins. Mais le problème ne se pose pas ainsi. Il s’agit de savoir où est le moindre mal, s’il ne vaut pas mieux faire battre toutes les tierces sans trop de dureté, que d’en conserver quelques-unes sans battements, en faisant hurler les autres.

Il est à noter que du côté du tempérament égal sont d’illustres harmonistes comme Bach et Rameau, et que dans l’autre camp sont des gens comme J.-J. Rousseau, auteur du