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Feuilleton du COURRIER DE SION
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— Ah ! je vous tiens enfin ! s’écria le nouveau venu en s’avançant, les yeux flamboyant de colère, et je vous tiens bien, cette fois « monsieur Marcel Legay ».

Mais l’autre chevalier s’était levé et, étendant la main, il dit avec hauteur :

— Monsieur le commissaire, veuillez arrêter cet imposteur.

Le nouvel arrivant bondit comme un ressort, en rugissant :

— Ah ! mordious « nous allons voir tout de suite de quel côté est l’imposteur. Ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons, monsieur le gentilhomme-cambrioleur, et vous savez que je connais le moyen de vous faire sortir presto subito de votre peau, de ma peau veux-je dire. Qu’on aille chercher des épées !

À ces mots l’autre d’Arsac avait légèrement blêmi. Il se borna à répondre avec hauteur :

— Ah ! ça, monsieur, croyez-vous que je vais croiser le fer avec un aventurier sans scrupule ?

— Vous avez réfléchi pour parer ce premier coup, monsieur, depuis notre première rencontre, riposta l’autre. Mais j’ai d’autres moyens de vous confondre. Ah ! vous ne voulez pas croiser le fer, eh bien ! monsieur, puisque vous ne prétendez pas sortir de « ma » peau, je vais vous enlever cette peau, c’est-à-dire qu’ici même, devant tout le monde, je vais arracher cette moustache et cette « royale » postiche qui ornent votre visage, et cette perruque… et cette…

Et le d’Arsac qui parlait, avança, menaçant, la main tendue.

L’autre recula et, soudain, prenant un parti suprême, il se sauva à toutes jambes, aussitôt poursuivi par son interlocuteur et par le commissaire, qui criait :

— Cette fois, nous le tenons ! Toutes les issues sont surveillées par mes hommes.

La course dura moins de temps qu’on n’eût pu le craindre. Le faux d’Arsac savait que sortir du château c’était se perdre. Harcelé de toutes parts, il n’eut pas le loisir de choisir sa retraite et un malencontreux hasard voulut qu’il fût acculé et obligé de se sauver par une porte donnant accès à l’escalier d’une tourelle.

Or, cette tourelle n’avait pas d’autre issue et le jour n’y pénétrait que par des meurtrières trop étroites pour livrer passage à un homme. Le fuyard était pris comme dans un piège : Il ne pouvait gagner du temps qu’en refermant la porte derrière lui et c’est ce qu’il fit.

Mais bientôt la porte s’effondra sur la poussée puissante des poursuivants et ceux-ci se précipitèrent dans l’escalier en spirale. Ils en atteignirent l’extrémité et s’arrêtèrent, interloqués : le faux d’Arsac avait disparu !

Mais il y avait là, tout en haut, un homme qui observait l’horizon par une étroite meurtrière : c’était le détective Morin. Celui-ci se tourna avec calme vers les arrivants et leur demanda la cause de tout ce bruit.

— Nous poursuivons le faux d’Arsac qui s’est enfui par ici, dit le commissaire.

— C’est impossible, répondit le détective. Vous vous serez trompés. J’observe l’horizon d’ici, voici plus d’une demi-heure, et personne n’a gravi cet escalier avant vous.

— Impossible ! impossible, en effet ! balbutiait le commissaire de police affolé. Et pourtant nous avons poursuivi l’aventurier jusqu’ici, c’est à ne plus rien comprendre, cet homme a le don de se rendre invisible.

Mais le vrai d’Arsac s’était avancé, le sourire aux lèvres, et il s’écriait avec joie, en tendant la main au détective :