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— Ce bandit se cache dans l’ombre, confiait-il au commissaire, c’est donc dans l’ombre que je veux travailler.

— Voulez-vous que je mette des hommes sous vos ordres ?

— Non, il est préférable que je travaille de mon côté, sans le concours de la police officielle. J’aurai recours à vous lorsque j’aurai trouvé une piste sérieuse.

Mais, depuis la disparition inexplicable de l’enveloppe précieuse, le bandit mystérieux ne donnait plus signe de vie.

Disons enfin que le baron de Carteret s’étonnait de la disparition de son hôte, le chevalier d’Arsac. Il en avait fait part à Morin et au commissaire de police. Des recherches avaient commencé, lorsque deux jours après le baron vit arriver le chevalier.

— Oh ! mon cher hôte ! s’écria-t-il, je suis bien aise de vous revoir ! Je craignais qu’il ne vous fût arrivé malheur.

— J’ai bien failli mourir, en effet, répondit le chevalier. Des bandits m’ont attiré dans un guet-apens et m’ont emprisonné. Je suis parvenu avec beaucoup de peine… Mais me voici enfin !…

Et tout le monde fit fête au chevalier, excepté M. Morin qui était parti à la recherche d’une piste nouvelle.

Le baron lui fit le récit des événements qui s’étaient déroulés au château en son absence. Ils discutèrent longtemps.

— Bref, dit le chevalier, vous êtes débarrassé à jamais de l’aventurier qui, en réalité ne cherchait qu’à vous extorquer un million et demi de francs. Désormais, madame votre fille, mon épouse, allais-je dire, est hors de danger.

Et la conversation roula sur le mariage de la jeune comtesse… Question délicate… Qu’allait-il faire le chevalier d’Arsac ? Demander l’annulation du mariage ? Faire intervenir la justice, exiger des enquêtes ?… C’était jeter son nom et celui du baron de Carteret en pâture à certains chroniqueurs avides de scandales mondains. Oui, c’était une question fort délicate. Les deux hommes parlèrent beaucoup. Il résulta de cette conversation qu’il était préférable de temporiser ; le chevalier d’Arsac ne se montrait plus absolument réfractaire au mariage et il sembla assez disposé à prendre pour épouse légitime celle qui portait son nom. Dame ! la baronne Marguerite était jolie ! Quant au baron de Carteret, il était tout disposé à accepter pour gendre le beau chevalier qui avait épousé son enfant en quelque sorte par… procuration. Tout cela serait régularisé en temps voulu.

Les deux hommes résolurent de réfléchir encore et le chevalier resta au château. Quant au détective Morin, il n’avait plus reparu. On supposait que ses recherches l’avaient entraîné très loin.

Les choses en étaient là. On n’avait plus aucune nouvelle de l’aventurier qui avait épousé la baronne Marguerite ; le chevalier d’Arsac se plaisait à dire que si le bandit lui tombait jamais sous les mains il l’embrocherait comme un canard. Aussi quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’un jour qu’il se trouvait dans son boudoir, en compagnie du baron et de la baronne de Carteret, de leur fille et du commissaire de police, un laquais vint annoncer l’arrivée du chevalier d’Arsac !

— Le faux d’Arsac ici ! quelle audace ! s’écria-t-il.

Le commissaire sursauta, s’assura qu’il était bien armé et attendit, prêt à l’arrestation de l’aventurier.

Cotait, en effet, un second d’Arsac qui venait de pénétrer dans le château, en bousculant la valetaille qui voulait le faire attendre. C’était un second d’Arsac qui, un instant après, pénétrait dans le boudoir où se trouvait déjà un premier d’Arsac. Et les deux d’Arsac s’aperçurent en même temps et se bravèrent du regard. Ils se ressemblaient si étonnamment qu’on n’eût pu reconnaître la copie de l’original.