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Feuilleton du COURRIER DE SION
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En effet, le commissaire de police, le baron de Carteret et Morin se cacheraient dans la pièce, prêts à bondir sur l’audacieux aventurier lorsque celui-ci apparaîtrait. En outre, le château serait secrètement gardé par la police.

— Maintenant que nous sommes prévenus, je me fais fort d’arrêter le bandit.

— D’autre part, remarqua la baronne, si le misérable triomphe, malgré tout, il enlèvera la somme contenue dans l’enveloppe et notre fille n’aura plus rien à craindre… La somme est importante ; mais nous ne saurions payer trop cher le bonheur et la sécurité de notre pauvre enfant.

Le soir même, à 7 heures et demie, le baron, le détective et le commissaire de police se cachèrent derrière les tentures du boudoir, après y avoir pénétré secrètement par une porte ouvrant sur une autre chambre.

Dix minutes après, la comtesse de Savignac. qui depuis le matin avait quitté la chambre, traversa le couloir ayant en main la précieuse enveloppe contenant une fortune. Elle pénétra dans le boudoir par la porte principale, elle déposa l’enveloppe derrière le buste de Jupiter placé sur la cheminée ; puis elle se retira en fermant la porte derrière elle.

— Maintenant, attention ! dit Morin.

Le détective s’assura que les deux portes du boudoir étaient fermées, mais non à clef, et que personne n’avait pénétré dans la pièce, ni s’y dissimulait. Dès lors, à moins qu’une main ou un être invisible ne pénétrât à travers les murs on devait inévitablement mettre la main sur le coupable.

Méticuleux par habitude, Morin constata en passant que l’enveloppe était bien à la place indiquée, puis ayant terminé son inspection avec l’aide de ses deux compagnons, il se retira avec ceux-ci à l’écart.

Tous trois attendirent ainsi, dans l’ombre qui envahissait peu à peu la chambre. Tour à tour, ils observèrent les deux portes, puis l’enveloppe dont un coin dépassait le socle de Jupiter.

Huit heures sonneront.

Les portes restaient closes, l’enveloppe précieuse était toujours à sa place.

Une demi-heure s’écoula, sans que les trois hommes bougeassent, sans qu’une porte s’ouvrît, sans qu’une vitre des fenêtres frémît.

Et soudain, le baron de Carteret poussa un cri :

L’enveloppe avait disparu !

Les trois hommes bondirent d’étonnement : ils s’approchèrent en même temps du Jupiter de bronze et, constatèrent avec stupeur que le baron de Carteret ne s’était pas trompé.

Ils inspectèrent à nouveau le boudoir, sans relever la moindre trace du passage d’un être humain.

Le baron était stupéfait, le détective était perplexe ; quant au commissaire, il était sur le point d’en perdre la raison. Les trois hommes sortirent du boudoir la tête basse, comme des vaincus.

La journée du lendemain s’écoula en recherches vaines. On surveilla le personnel du château, on suivit des pistes sans résultat. Le célèbre détective Morin était furieux.

— Je veux tirer cette affaire au clair ! déclarait-il en se grattant le front. C’est la première fois de ma vie que j’échoue. Je veux une revanche ; je l’aurai !

Et on le voyait errer, dans le château, comme une âme on peine. D’autres fois, il s’enfonçait dans la campagne, se perdant dans les bois, mais il revenait bredouille :