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Feuilleton du COURRIER DE SION
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— Ce n’est pas étonnant, il faut avoir étudié la science anthropométrique pour retrouver, à travers toutes les transformations de l’homme dont je vous parle, le type original.

Le baron de Carteret présenta le détective à son épouse, à sa fille et au chevalier d’Arsac.

Le soir, il fut convenu que, pour permettre à la baronne de Carteret et au chevalier d’Arsac de prendre un repos nécessaire, le baron et le détective Morin veilleraient la comtesse de Savignac. Ils s’installèrent donc dans la chambre de celle-ci, après avoir hermétiquement fermé les portes et les volets. La jeune blessée était donc en toute sûreté ; elle était enfermée comme dans une citadelle sous la protection de deux gardiens vigilants. Il était impossible, dans ces conditions, que le faux d’Arsac renouvelât ses tentatives de meurtre.

Nous ne saurions prendre trop de précautions, avait dit le détective. Notre adversaire est habile et il ne faut négliger aucune précaution pour l’empêcher d’agir. Il se trouvera ainsi désarmé et tout fait présumer que, dans ce cas, il usera d’un coup d’audace qui le perdra. Dès qu’il se manifestera, je mettrai la main sur lui. Le commissaire, dispose d’un mandat d’arrêt qui nous permettra de sévir sans tarder.

La première partie de la nuit s’écoula sans incident. Le silence le plus complet, régnait dans le château. Le baron et le détective s’entretenaient à voix basse, assis au chevet de la blessée : celle-ci dormait.

Minuit sonna.

Tout à coup, comme les deux hommes prêtaient l’oreille à la sonnerie de l’heure qui résonnait dans le silence, une détonation retentit dans la salle même.

Le baron et le détective se levèrent en même temps. La comtesse de Savignac se réveilla en sursaut, en poussant, un cri.

Un coup de feu venait d’être tiré par une main inconnue dans la chambre : la balle avait frôle la joue de la jeune femme et s’était logée dans l’oreiller sur lequel elle reposait la tête quelques instants auparavant.

Le baron était affolé ; le détective était perplexe. Tous deux parcouraient du regard la pièce complètement éclairée et où personne n’avait pénétré.

Soudain le détective montra du doigt un revolver qui gisait au milieu du parquet.

— Voilà l’arme du crime, dit-il.

Il se pencha et ramassa le revolver.

— Remarquez continua-t-il en s’adressant au baron, que le canon est encore chaud.

— Mais s’écria M. de Carteret, qui a bien pu tirer ? Personne n’a pénétré ici, et, en admettant même que les volets n’eussent point garanti les fenêtres et que l’on eût fait feu du dehors, rien n’expliquerait la présence du revolver dans la chambre.

— Vérifions les portes, dit M. Morin.

Les deux hommes examinèrent les serrures. Les clefs étaient restées à l’intérieur et les portes étaient fermées. Le détective souleva les tentures, ouvrit les rares meubles de la chambre, fit sonner les murs, examina le parquet.

— Rien, dit-il, avec un geste de découragement, je ne trouve rien. Il était impossible qu’un être vivant pénétrât ici et plus impossible encore qu’il sortit sans attirer notre attention. Dès que la détonation a retenti, nous avons parcouru la salle du regard.

— Mais alors ?

— Cet attentat est incompréhensible. Il tient du prodige. C’est la première fois, dans ma carrière, que j’assiste à un fait de ce genre.

— Comment l’expliquez-vous ?