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voir arriver le destinataire de la lettre ; mais la nuit s’écoula calmement. À 8 heures, personne n’avait paru. Le commissaire arriva :

— Les bandits auront deviné que la ferme était surveillée, dit-il. Ils n’auront pas osé paraître.

Il eût été, en effet, absolument impossible de pénétrer dans l’habitation sans éveiller l’attention de ceux qui la cernaient. La ferme, au surplus, était absolument isolée en pleine campagne ! Il n’était pas une porte, pas une fenêtre qui eût pu échapper à la surveillance des yeux de l’Argus policier.

— Entrons dans la ferme, dit le commissaire à ses hommes.

Ils pénétrèrent dans la première chambre où avait été déposée l’enveloppe vide. Quelle ne fut leur surprise en constatant que celle-ci avait disparu : une Main invisible l’avait enlevée.

— Vraisemblablement, les bandits sont ici, dit le commissaire. Que quatre hommes m’accompagnent : nous allons visiter l’habitation de fond en comble.

Le magistrat, suivi des policiers, fit l’inspection de la ferme, descendit dans les souterrains, examina minutieusement les moindres réduits, fouilla les moindres coins, chercha si les couloirs ne cachaient pas une issue secrète : il ne découvrit rien. En désespoir de cause, il retourna au château où il fit part du résultat négatif de son enquête au baron de Carteret.

— Je crois que nous sommes en présence de redoutables et habiles brigands, conclut le commissaire. Depuis deux ans déjà, des vols et des crimes se commettent dans la contrée, sans qu’on parvienne à mettre la main sur les coupables. J’ai pensé, monsieur le baron, qu’il serait sage de faire appel au concours d’Arthur Morin, le célèbre détective dont la renommée est quasi mondiale.

— Je sais. Sa perspicacité est proverbiale. Mais on le dit très occupé. Viendra-t-il à ma demande ?

— Je ne doute pas qu’il satisfasse au désir du baron de Carteret si vous daignez lui écrire de votre main.

— Je vais lui adresser une lettre à l’instant. Le bonheur et même la vie de ma fille sont en danger. Mon devoir est de ne négliger aucun auxiliaire… Connaissez-vous l’adresse de M. Morin ?

— La voici, dit le commissaire en ouvrant son portefeuille et en consultant son carnet d’adresses : 17, quai de Bourdon.

Le baron en prit note, écrit la lettre, et la remit à son intendant en lui recommandant de l’envoyer aussitôt par exprès.

L’après-midi se passa calmement. Mais quelque temps avant le dîner, Marguerite de Carteret se trouvait dans sa chambre lorsque la porte s’ouvrit en faisant un léger bruit. La jeune femme se retourna.

Sur le seuil se dressait le chevalier d’Arsac ou l’inconnu qui s’était substitué à lui… Lequel des deux ? Elle n’aurait pu le dire à ce moment. Mais elle le sut bientôt lorsque l’homme, s’étant avancé vers elle, lui dit :

— Madame, vous avez reçu ma lettre et vous avez cru bon d’en aviser la police…

Effrayée la jeune femme se sauva en poussant un cri d’effroi.

— Taisez-vous, ordonna l’homme, ou je vous tue…

Et il brandit un poignard.

Mais, à ce moment, une grande rumeur lui parvint. Le cri d’effroi de la jeune femme avait été entendu et l’on accourait.

Le faux comte de Savignac se précipita vers la porte. Il vit accourir deux domestiques suivis du baron de Carteret et du chevalier d’Arsac.

— Nous le tenons ! s’écria celui-ci d’une voix tonnante qui domina tous les autres bruits.

Cette voix fit frémir l’imposteur et lui mit des ailes aux talons. Il bondit et se sauva dans les couloirs du château, poursuivi par une meute de domestiques.