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sac — lui avait fait signer la lettre que l’on sait sous la menace du revolver. Elle attendait la mort, lorsque M. Poiroteau était arrivé.

Ce ne fut pas sans peine que le baron et la baronne de Carteret parvinrent à la convaincre qu’elle était victime d’un aventurier inconnu qui avait pris les titres et les traits du chevalier d’Arsac pour épouser une dot. Il apparaissait de toute évidence que l’arrivée inopinée du véritable d’Arsac avait déjoué les projets de l’imposteur. Celui-ci voyant s’effondrer l’édifice qu’il avait bâti, avait tenté un coup d’audace. Le montant de la dot n’ayant pas été versé entre ses mains, il avait enlevé l’épouse et lui avait fait écrire la lettre remise le matin même au baron de Carteret.

— Ceci nous prouve, dit le chevalier d’Arsac, que nous avons à combattre un ennemi audacieux et habile, qui ne reculera devant aucune infamie pour réaliser ses projets. Plus que jamais, nous devons redoubler de prudence. Madame la baronne Marguerite de Carteret porte mon nom. Ceci me donne le droit de la protéger. Je lui demanderai donc de me permettre d’être son chevalier servant jusqu’au moment où l’aventurier qui a eu l’audace de se substituer à moi aura été écrasé sous mon talon.

L’épouse accorda de bonne grâce à son prétendu époux l’autorisation qu’il lui demandait.

— Maintenant, dit d’Arsac, il faut sans tarder aller dénicher les bandits dans leur tanière, avant qu’ils ne se soient aperçus de la fuite de leurs prisonniers. J’ignore où est située la ferme, mais M. Poiroteau va me conduire jusque là.

— Jamais, Monsieur le chevalier, jamais je n’oserais, s’écria le créancier qui, dans son fort intérieur, craignait de retrouver en M. d’Arsac, le tyran qui l’avait emprisonné quelques heures auparavant.

— Je mettrai mes domestiques à votre disposition, dit le baron de Carteret.

— C’est inutile, remarqua le chevalier, mais je ne m’y oppose pas. La présence de vos gens, Monsieur le baron, rassurera M. Poiroteau. En route donc.

D’Arsac, son fidèle créancier et cinq domestiques du baron partirent quelques moments après. Ils pénétrèrent prudemment dans la ferme mystérieuse par la fenêtre que les fugitifs avaient laissée entrouverte ; mais l’habitation était déserte. À la lueur d’une torche, ils pénétrèrent dans les souterrains. Ils virent les cellules où M. Poiroteau et la baronne avaient été emprisonnés et d’autres où gisaient des squelettes très anciens.

— Ce sont les fondations et les souterrains d’un ancien château-fort, très vraisemblablement, remarqua le chevalier. Le château sera tombe en ruines et sur ses derniers vestiges, on a construit cette ferme. Voici l’intérieur d’une oubliette. Mais cette constatation ne nous avance guère. Les oiseaux se sont envolés. Il ne nous reste plus qu’à nous retirer et avertir la police, qui pourrait établir ici une souricière, où les bandits viendront se faire prendre, à moins qu’ils n’aient eu vent de notre descente sur les lieux.

Et la petite troupe retourna au château. Pendant l’absence du chevalier, le baron de Carteret avait averti la police par son intendant. Des mesures allaient être prises sans tarder pour surveiller la ferme mystérieuse et protéger les hôtes du château.