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Quand il recouvra ses sens, il contempla son cachot d’un œil morne et désespéré.

— Où suis-je ? se dit-il. Où suis-je ? en prison ! Le chevalier veut me faire mourir de faim… Ah ! j’aurais dû lui proposer de réduire mes créances de quelques centaines de francs… peut-être se serait-il laissé fléchir… il m’aurait rendu la liberté… Mais il est devenu fou !… Quelle clémence peut-on attendre d’un fou… Il n’y a de salut pour moi que dans la fuite. Mais comment sortir d’ici ?

M. Poiroteau fit le tour de sa cellule avec la certitude prématurée que toute fuite était impossible… Il se heurta aux murs humides, secoua la lourde porte pour s’assurer que vraiment celle-ci résistait à tous ses efforts. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant la porte céder et s’ouvrir sous la poussée de ses doigts ? Il recula, effrayé de cette découverte. « Si on a laissé la porte ouverte, se dit-il, c’est à dessein ». Il examina les jointures. Il s’aperçut alors que l’huis avait bien été fermé à clef mais qu’en réalité, il fermait mal à cause du mauvais jeu des gonds. C’était donc au hasard que M. Poiroteau devait le libre accès de cette issue ; il résolut d’en profiter. Il s’empara du flambeau qui brûlait dans le cachot et il sortit prudemment. Un couloir humide et ténébreux lui apparut. Il le suivit et s’engagea dans des galeries souterraines.

— Je suis sorti du cachot, pensa M. Poireateau. Reste à trouver l’issue de ce dédale… Reverrai-je jamais la lumière du jour !…

Soudain, il frémit. Il venait d’entendre un gémissement.

— Horreur ! balbutia-t-il en tremblant. Je suis dans une caverne de voleurs, dans un enfer où l’on torture des victimes ! Oh ! ce cri !

M. Poiroteau s’arrêta. Il était résolu à ne pas aller plus loin. Au lieu de se diriger du côté où partait la voix, il trouva prudent de s’en éloigner. Mais la terreur le cloua sur place. Dans l’obscurité, il avait cru distinguer une forme humaine.

— Grâce ! gémit-il en se jetant à genoux.

— Qui êtes-vous ? dit quelqu’un dans les ténèbres.

— Qui je suis ? balbutia-t-il. Je suis Monsieur Poiroteau.

M. Poiroteau ?

— Grâce ! grâce ! reprit le créancier, qui se croyait surpris par d’implacables ennemis.

Mais la voix inconnue le rassura en lui demandant :

— Seriez-vous aussi prisonnier ?  ?

— Oui ! oui ! je suis un pauvre prisonnier.

Et M. Poiroteau s’avança du côté d’où partait la voix. À la lueur de sa torche, il aperçut derrière les barreaux d’une grille de fer la forme blanche et svelte d’une femme.

— Qui êtes-vous, madame ? demanda-t-il surpris.

— Je suis madame la comtesse de Savignac.

— L’épouse du chevalier d’Arsac ?

— Oui, monsieur.

— Ah ça ! le chevalier emprisonne donc tout le monde ! Désormais, il n’y a plus de doute : il est vraiment fou !… Comment êtes-vous donc ici, Madame  ?

— Mon époux m’a enlevée. Il m’a fait porter ici et m’a enfermée. Et vous, monsieur ?

M. Poiroteau fit le récit de son aventure.

— Fourriez-vous m’aider à sortir d’ici ? demanda la prisonnière.

— Je vais essayer, madame.

M. Poiroteau voulut ébranler la grille de fer, mais elle résista à tous ses efforts. Cependant, il lui sembla qu’avec l’aide d’un levier il lui serait possible de la soulever et de la faire sortir de ses gonds rouilles. Il chercha dans le couloir et finit par découvrir des barres de fer. Il prit la plus grosse et revint sur ses pas. Il pria la comtesse de tenir la torche, pendant qu’il se livrerait à son travail.

Comme il l’espérait, il parvint à soulever la grille de fer et à la faire sortir de ses gonds. Un instant, après, la jeune femme était près de lui.