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Avec circonspection, les deux amis escaladèrent la pierre mortelle et pénétrèrent dans le caveau.

— Nous voici ! dit Legay.

Mais le gentilhomme-cambrioleur poussa aussitôt un soupir à fendre le granit : le caveau était vide !

Pas de trace de trésor !…

Les deux amis firent « sonner » les murs et s’assurèrent qu’ils ne contenaient aucune ouverture, aucune cachette.

Tout ce qu’ils découvrirent fut une inscription gravée dans la pierre. Cette inscription était la répétition des paroles énigmatiques que Legay et Sauvage avaient lues dans la chapelle du château.


Lorsque de saint Michel la lance tombera
Justice se fera !


— Je crois que c’est une vengeance posthume du comte assassiné, dit Legay. Quant au trésor, puisqu’il n’est pas ici, c’est que vraisemblablement il aura été enlevé et caché autre part.

— Qu’allons-nous faire ?

— Que faire ?… Mais partir tout simplement. Nous sommes frustrés.

— C’est égal, nous avons assisté à un terrible spectacle…

— Hum ! je m’en serais bien passé ; c’est un spectacle qui me coûte 62 000 francs.

— Il te reste le pâtre.

Les deux amis s’en allèrent la tête basse. Ils passèrent toute la nuit dans les souterrains, afin de trouver une issue qui leur permît de revoir la clarté de l’aurore.

— Je me sens revivre, dit Legay à son ami. Cet air des souterrains ne me vaut rien. M’est avis que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de considérer cette affaire comme ratée et de retourner à Paris. J’ai en vue quelques petits cambriolages qui me dédommageront de l’échec que je viens de subir. Bah ! ce sont les aléas du métier.

Deux heures après, Legay et Sauvage prenaient le train ; c’est tout ce qu’ils étaient parvenus à prendre à Beaulieu.


La vengeance du mort.


Ce même matin, le chevalier d’Arsac et le comte de Beaulieu s’étaient levés d’excellente humeur. Ils venaient de faire honneur au déjeuner, lorsqu’un domestique annonça le curé Marlier, un vénérable et bon prêtre, âgé de soixante-dix ans, qui avait été jadis l’aumônier du château.

Le comte Louis le reçut avec respect.

— Je viens remplir, dit le prêtre, une mission sacrée dont feu le comte de Beaulieu votre père, m’a chargé sur son lit de mort. Vous savez que je possède une clef de la chapelle du château. Jusqu’à ce jour, j’ai fait entretenir ce saint lieu en conformité de la volonté de feu comte. Vous n’ignorez pas non plus que la chapelle possède une statue de saint Michel terrassant le dragon, avec ces mots écrits sur le socle :


Lorsque de saint Michel la lance tombera
Justice se fera !


— Je le sais, en effet, mon père, dit le comte.

— Le comte Georges de Beaulieu, après avoir reçu de nos mains le saint sacrement de l’extrême-onction, continua le prêtre, me confia une lettre cachetée et me priant de ne la remettre à son fils que le jour où « la lance brandie par saint Michel se serait abaissée sur le dragon. ».

— Voilà qui est étrange ! dit Louis de Beaulieu.

— C’est d’autant plus étrange, reprit le curé Marlier, que ce matin, en me rendant comme de coutume à la chapelle, je constatai que la lance s’était abaissée comme l’avait prévu M. votre père. Respectant les dernières volontés du défunt, je suis rentré chez moi, j’ai pris la lettre qui m’avait été confiée et je vous l’apporte.