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— Dissimulons-nous derrière ce bloc de pierre, murmura Legay à Sauvage. Je ne serais pas fâché de savoir ce que ce moine mystérieux vient faire ici.

Les deux amis s’accroupirent derrière la pierre. Les moines passèrent. L’un tenant la lanterne sourde, l’autre traînant la femme sans tête.

— Je comprends enfin ! murmura Legay à l’oreille de son compagnon lorsqu’ils furent passés. La fameuse femme sans tête qui nous a si fortement étonnés n’est qu’un mannequin habillé de blanc et qui glisse sur des roulettes tout simplement comme les chevaux de bois inventés pour amuser les enfants. Pourquoi cette mascarade, cette supercherie ? Pour effrayer, sans doute les grands enfants que nous sommes. C’est bête comme chou, mais ça frappe toujours l’imagination. Où vont nos deux moines ? Il serait bon pour nous, je crois, de le savoir ; suivons-les !

Avec une prudence de Peaux-Rouges, Legay et Sauvage épièrent les mystérieux personnages. Ceux-ci s’engagèrent dans des galeries ténébreuses. Soudain, ils s’arrêtèrent dans une espèce de chapelle souterraine ; devant eux se dressait un Christ en croix encastré dans le mur et tout à fait semblable à celui de la salle des gardes du château.

Un des moines souleva un bras du crucifié ; aussitôt un pan de mur s’ouvrit, découvrant un passage secret.

— Tout s’explique, chuchota Legay. Les souterrains du château de Beaulieu ont deux issues : une dans la salle des gardes, une dans ce vieux monastère. C’était fréquent jadis. Mais chut !

Les inconnus s’étaient engagés dans la voie secrète et le pan de mur se referma derrière eux.

— Heureusement que nous connaissons le moyen de procéder, dit Legay en soulevant à son tour le bras du Christ.

De nouveau, le pan de mur s’ouvrit et les deux amis s’engagèrent dans la galerie secrète. Devant eux, ils aperçurent la lueur de la lanterne sourde des moines.

Les mystérieux personnages continuèrent leur marche dans les ténèbres. Enfin, ils s’arrêtèrent devant la porte de fer dont les deux barreaux avaient été enlevés par Legay et Sauvage.

Les deux cambrioleurs attendirent, dissimulés dans l’ombre.

À ce moment l’un des moines noirs parla à son compagnon.

Legay et Sauvage ne perdirent pas une parole.

— Tu vas rester ici, disait le moine. Si un des intrus de l’autre nuit s’avisait de revenir, effraie-le en avançant vers eux avec notre femme sans tête. Si ce moyen d’intimidation ne suffisait pas, tire sur eux.

— Non, mon père, répliqua l’autre moine ; je veux bien vous aider, mais je ne veux pas verser le sang humain.

— Enfant ! enfant ! voilà de vains scrupules. Songe que je connais enfin le secret des souterrains, l’endroit où se trouvent amassées des richesses considérables ! Cette fortune sera à toi comme à moi, puisque tu es mon fils. Et tu hésiterais ! insensé !

— Je veux bien vous aider, mon père, mais je me refuse à commettre un crime.

— Mais c’est insensé ce que tu dis là. Oublies-tu qu’il y a vingt ans que je cherche le manuscrit qui va nous donner la fortune ? Et maintenant que je suis parvenu à le ravir aux misérables hôtes du château, maintenant que je touche au port, j’échouerais. Tiens, prends ces revolvers.

— Non, je refuse.

— Eh bien, soit ! Nous n’avons pas de temps à perdre. Je ne te demande pas de tuer. Reste ici. Si quelqu’un vient, accours me prévenir : je serai dans la troisième galerie à gauche. Y consens-tu ?

— J’y consens, mon père.

— Veille alors ! J’espère être de retour avant l’arrivée des intrus.