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Feuilleton du COURRIER DE SION
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— Eh ! Mordious, mon cher comte, reconnaissez-vous maintenant le chevalier d’Arsac ?

— Pardi ! dit Louis de Beaulieu, légèrement confus, vous l’avez dit, mon cher ami, il n’y a, il n’y aura jamais qu’un chevalier d’Arsac !…

Et les deux jeunes gens tombèrent dans les bras l’un de l’autre.


La Souricière fatale


Marcel Legay ne s’arrêta que lorsqu’il eut dépassé la grille du parc, il se retourna alors et aperçut son fidèle Sauvage qui arrivait en courant :

— Tout est perdu, même l’honneur ! cria-t-il, même nos chapeaux, même nos valises ! Oserions-nous rentrer au château tant que le terrible d’Arsac s’y trouve ? Ce diable de Gascon ne badine pas. L’as-tu vu ? C’est un homme capable de m’embrocher comme un poulet. Que faire ?

— C’est bien simple, répliqua Sauvage. Nous avons nos portefeuilles sur nous : tant qu’on a de l’argent, on ne doit pas se considérer comme perdu. Remets-toi de tes émotions et raisonnons. Nous allons gagner la ville la plus proche, nous acheter des chapeaux, des revolvers, et nous reviendrons tout simplement, la nuit, continuer nos recherches. Aucune porte ne résistera à nos petits instruments. Nous pénétrerons dans la place dès que nous le voudrons.

— Excellente idée. Mettons-la en pratique, sans tarder.

Les deux amis gagnèrent la ville voisine, achetèrent comme ils l’avaient dit, des chapeaux et des armes, puis allèrent dîner. Rien, rien ne guérit et ne réjouit comme un bon repas ; rien ne guérit mieux le pessimisme que la vue d’un rosbeef et d’une bouteille de bourgogne.

À la nuit tombante, nos deux amis reprirent la route de Beaulieu.

— Il est un peu tôt pour rentrer au château, remarqua Legay. Qu’allons-nous faire en attendant minuit ?

— Faisons une excursion dans la forêt, proposa Sauvage. Visitons les ruines du vieux monastère que nous apercevions du perron de Beaulieu.

— C’est une idée.

Legay et Sauvage se dirigèrent vers les ruines. Le vieux monastère abandonné avait un aspect des plus pittoresques : ce n’était que pans de murs ébréchés, vastes « ailes sans toit, cour où poussaient les mauvaises herbes, cave humide.

Les deux amis s’étaient engagés dans les souterrains ténébreux et ne retrouvaient plus leur chemin. S’éclairant de sa lampe électrique de poche, Legay cherchait une issue.

La nuit était avancée. Un silence sépulcral régnait dans les ruines. Mais tout à coup un bruit de pas frappa l’oreille dos deux amis.

— Enfin, dit Legay, voici un être vivant qui pourra nous donner le moyen de sortir d’ici.

Les pas se rapprochaient. Les deux amis aperçurent enfin au fond de la galerie trois silhouettes humaines qui s’avançaient, vaguement éclairée par une lanterne sourde.

— Morbleu ! dit Legay, c’est notre mystérieux moine noir, accompagné de la femme sans tête et d’un personnage revêtu, lui aussi, d’une cagoule. Que viennent faire ici ces fantômes ?

Les trois étranges personnages approchaient, sans voir Legay et Sauvage qui, ayant éteint leur lampe électrique, étaient cachés dans l’obscurité.