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s’inquiéta aucunement de son absence, il l’avait oublié.

Il rentra à son hôtel en se disant :

— Enfin, me voici dans la vraie vie. Je vais revoir, sans doute, mes ennemis. Ça va chauffer, Mordious !

Une heure plus tard, on annonçait M. Corbier. Le chevalier ne l’avait plus vu depuis deux jours. Il le reçut avec empressement.

Le maître-maçon s’excusa de n’être point venu plus tôt et il en expliqua la raison. Ayant failli être victime d’un nouvel attentat — pour la seconde fois on avait tiré un coup de revolver dans la place où il se trouvait — il avait résolu de dépister les meurtriers acharnés à sa porte.

D’accord avec sa femme, il s’était réfugié chez sa vieille mère qui habitait rue Saint-Denis. Il se proposait de s’y tenir caché pendant quelques jours, lorsque sa fillette aînée âgée de neuf ans, était accourue à son nouveau domicile. Elle lui avait appris que Mme Corbier avait disparu !

Le maître-maçon devina un enlèvement ; ses ennemis ne pouvant le frapper, s’attaquaient à une femme sans défense ! Affolé, il rentra chez lui. Le lendemain, il trouva dans la boîte aux lettres une missive. Il reconnut l’écriture de sa femme, ouvrit l’enveloppe et lut ces quelques mots :

« Mon pauvre Gustave,

« Je confie au hasard cette lettre sans savoir si elle te parviendra. J’ai été enlevée par des inconnus et suis emprisonnée dans la sixième maison à gauche de la rue d’Oran (une maison blanche). Je n’ai pu voir le numéro. On m’a prévenue que si la police était avertie, on me tuerait. Si tu essaies de me délivrer, agis avec prudence. Espère, mon cher Gustave, embrasse nos chères petites et reçois les baisers de ton épouse.

« Léonie ».


— Que comptez-vous faire ? demanda le chevalier quand le maître-maçon eut terminé son récit.

— Je ne sais, monsieur le chevalier. Je n’ose avertir la police, dans la crainte d’être la cause involontaire de la mort de ma pauvre femme. Je suis venu vous demander conseil.

— Vous avez bien fait. Nous allons agir avec prudence. Procurez-vous pour ce soir à dix heures, un passe-partout, une lampe électrique et des armes, puis venez me trouver. Jo vous attendrai et tenterai de délivrer votre épouse.

Le maître-maçon remercia le chevalier en termes émus et se retira.

À dix heures du soir, il reparut, avec les objets demandés. Il monta en auto derrière d’Arsac. Celui-ci se fit conduire rue Ernestine, près de la rue d’Oran. Les deux hommes s’engagèrent ensuite dans cette dernière rue et s’arrêtèrent devant la sixième maison à gauche.

— Ce n’est pas une maison blanche comme ma femme le dit, dans sa lettre, remarqua avec regret M. Corbier.

— Non, répondit le chevalier ; mais allons prendre l’autre extrémité de la rue.

De ce côté, ils comptèrent à nouveau six maisons.

— Enfin ! dit le maçon. Voici la maison blanche.

— Silence ! dit d’Arsac. L’immeuble semble habité. Donnez-moi votre passe-partout.

Le chevalier ouvrit la porte, et, s’armant de son revolver, il pénétra dans un vaste corridor.

— Suivez-moi et armez-vous, dit-il à voix basse en rendant le passe-partout à l’ouvrier. Donnez-moi la lampe électrique.

D’Arsac s’arrêta et écouta.

Nul bruit. Le silence le plus complet, régnait dans la maison. Il tourna la poignée d’une porte et pénétra dans une chambre vide, dont les fenêtres seules étaient ornées de rideaux. Il entra dans une seconde pièce, dans une troisième ; toutes ces chambres étaient désertes. Il descendit dans les caves : personne, pas un meuble, pas le moindre indice dénonçant que la maison fût habitée, si ce n’étaient ces rideaux aux fenêtres.