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Feuilleton du COURRIER DE SION
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— Eh bien ! dit l’inconnu d’un air finaud, le chevalier avait peut-être raison ; je trouve aussi que, s’il le veut, la fortune l’attend ici. Ménagez-moi une entrevue avec lui et je crois que, après avoir été son créancier, vous pourrez bien un jour devenir son débiteur.

— Pas possible !

— Vous verrez.

— Et qui pourrai-je annoncer à M. le chevalier ?

M. Messager. Ne suis-je pas, du reste, le messager de la fortune ? Dites-moi, à quelle heure pourrais-je trouver ici M. d’Arsac ?

— Demain entre 9 et 10 heures du matin.

— Très bien, je serai ici demain à 9 heures.

Et l’inconnu sortit.

M. Poiroteau fit part au chevalier de l’entretien qu’il avait eu avec l’inconnu. Le Gascon répondit qu’il daignerait recevoir le dit inconnu le lendemain à 9 heures du matin.

Le prétendu M. Messager fut exact au rendez-vous et M. Poiroteau le conduisit dans le petit cabinet qu’occupait le chevalier d’Arsac. Celui-ci était assis à sa table. Sans se lever, il fit signe à l’étranger de s’asseoir.

— Mon valet de chambre m’a dit, monsieur, que vous aviez des propositions à me faire, prononça-t-il.

L’étranger s’inclina :

— C’est vrai, en effet, monsieur le chevalier. Mais je désirerais d’abord, si vous le permettez, vous poser une question.

— Posez, monsieur, et soyez bref, je vous en prie.

L’étranger se recueillit un instant. Il voulait porter un grand coup. Il dit :

— Cette question, monsieur, la voici, en un mot ; voulez-vous faire fortune ?

— Cela dépend de mes conditions.

L’étranger sursauta : le grand coup qu’il avait cru donner n’avait point porté et c’était lui qui le recevait dans cette réponse inattendue.

— Comment, monsieur le chevalier, fit-il étonné, je viens vous proposer, moi, de faire fortune et c’est vous qui y mettez des conditions.

— Parfaitement. Qu’y a-t-il d’étonnant à cela ?

— Mais… je ne comprends pas.

— Je m’explique. J’accepte de faire fortune, il est vrai, mais comme certaines fortunes sont échafaudées sur des moyens malhonnêtes, je tiens à vous déclarer que je refuse à priori de faire quoi que ce soit qui ne soit pas conforme à l’honneur.

L’étranger réprima furtivement une grimace et reprit, avec calme :

— C’est bien mon avis, monsieur le chevalier.

— Très bien. En ce cas, je vous écoute.

— Voici de quoi il s’agit. Mon frère et moi nous cherchons un homme beau, distingué, vaillant, capable de porter un grand nom. Vous pourriez excellemment être cet homme.

— C’est aussi mon avis. Continuez.

— Nous sommes riches. Nous mettrions un magnifique hôtel à votre disposition : vous auriez tout le luxe désirable, laquais, chevaux, automobiles. Cela vous convient-il ?

— Mais oui. Continuez.

— En échange de tout cela, nous ne vous demanderions qu’un peu d’obéissance.

Le chevalier bondit sur son fauteuil.

— Plaît-il ? De l’obéissance ? Obéir, moi, qui suis d’une race qui commande depuis cinq siècles, dix siècles que sais-je ? Obéir, moi, le descendant du chevalier Bayard ! Vous m’in-