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C’est-il point, dis, ma p’tit’ drôline,
Que tu cherch’s à voir un parent ?
— Non ! vous l’ savez : j’ suis orpheline…
Ni pèr’, ni frèr’ ! — C’est différent !
Donc, c’est un galant que tu guettes ?
Ne rougis point, va ! Y a pas d’ quoi :
T’as beau n’êtr’ qu’un’ gardeuse d’ bêtes,
T’es gente ainsi qu’ la fill’ d’un roi !
— Oh ! les homm’s ne m’argardent guère :
J’ suis si pauvr’ que j’ compt’ point pour eux…
Mais n’empêch’ que, depuis la guerre,
Ils sont, tertous, mes amoureux :
Oui, tous ceux-là qui, pour la France,
S’en vont s’ fair’ tuer, là-haut, chaqu’ jour,
J’ les aim’… que c’en est un’ souffrance !
Mais, comment leur prouver c’ t’amour ?
Nos « dam’s » et nos « d’moisell’s » — des riches —
(En ont-ell’s de la chanc’, cell’s-là !)
Peuv’nt leur offrir de plein’s bourriches
De fruits, de gâteaux, d’ chocolat…
Mais, moi, d’ l’autr’ côté d’ la barrière,
Quoi fair’ ?… Ben, v’ià : j’ les r’gard’ passer
Et, n’ayant qu’ ça dans ma misère,
J’ leur envoie, à chaque, un baiser !