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net : je voudrais que sa chanson, dorénavant contînt quelque semence que ses rythmes persuasifs déposeraient dans les esprits.

Mais qu’est-ce que je veux de plus ? Tout à l’heure, au manège, quand il achevait de chanter, j’ai entendu un capitaine dire à mi-voix : « Voilà de la bonne semence. Les Allemands s’en apercevront. »

J’en étais là de mes réflexions, tout en suivant le quai de la Savoureuse, quand deux soldats s’arrêtent et me font le salut militaire. Naturellement, je leur tends la main :

— Bonjour, camarades ! Vous me connaissez ?

— Oui, monsieur Botrel.

— Non, pas Botrel. Je suis son ami et je l’admire, mais je m’appelle Barrès.

— Ah ! Maurice Barrès ! ça, c’est bien aussi.

Le « ça » était charmant de délicatesse, de désir de plaire ! Allons, mon cher Botrel, qu’est-ce que j’avais à vouloir secrètement, dans mon esprit, vous conseiller, vous guider ? C’est Grosjean qui veut en remontrer à son curé. Vous menez votre affaire admirablement. Votre besogne est salubre. L’Académie devrait bien vous donner un joli prix. Et vous, un jour, après la guerre, est-ce que vous ne pourrez pas me faire une place dans l’une de vos chansons, en souvenir de notre rencontre à Belfort et pour m’introduire dans la sympathie de cet immense public qui vous aime ?

Maurice Barrès,xxxxxxxx
de l’Académie française.
Novembre 1914.