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dans la gare. N’est-ce pas que cet abrégé donne schématiquement certaines couleurs de la guerre ? Le 3, le 4 et le 5, Botrel chante à Nancy au milieu des ambulances ; le 6, à Mirecourt, le 7 et le 8 à Épinal et à Neuchâteau, au pays de Jeanne d’Arc. Écoutez cette note du 9 septembre : « Parti à 8 heures, je fais à pied les cinq kilomètres qui séparent la gare et Domremy. Temps idéal. Deux hommes seulement pour faire les foins. Les prés sont mauves de veilleuses qui annoncent déjà l’automne. Au loin le canon. Je compose une poésie : Chez Jeanne. »

J’aime cette indication, que le chanteur des foules sache maintenir autour de son être un peu de désert, assez d’espace pour que sa muse et le pays se parlent. À feuilleter ensemble plus longuement ce carnet, nous y trouverions beaucoup de traits à recueillir, et qui font de nous tous des amis de Botrel. Celui-ci par exemple, à la date du 14 septembre : Botrel a chanté à Brienne devant six ou sept cents éclopés et blessés du dépôt, et le médecin-chef écrit d’une belle écriture claire : « Résultat inattendu de la visite de M. Botrel : la plupart des éclopés ont demandé à repartir en avant. N’est-ce pas le meilleur éloge à adresser au chansonnier ? »

Là-dessus, j’ai mis le carnet dans ma poche et je suis sorti en rêvant que Botrel, ainsi accepté, applaudi, entouré par le plus noble et le plus vrai des publics, agrandît et fortifiât son genre, et qu’il ajoutât au meilleur de son acquit ce que lui proposent de largement national les moments extraordinaires où il se meut. Le voilà côte à côte avec des réalités grandioses. Puisse-t-il en accueillir la leçon ! Parlons plus