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LE CHANSONNIER DES ARMÉES


Millerand a fait une jolie chose. Il a chargé Botrel de se rendre « dans tous les cantonnements, casernes, ambulances et hôpitaux, pour y dire et chanter aux troupes ses poèmes patriotiques ». Et depuis trois mois le bon chansonnier circule au milieu de nos troupes, amusées et intéressées. Je rêvais de l’entendre et de voir son public, et justement voici qu’à Belfort, au rez-de-chaussée de l’hôtel où vivent familièrement tous les officiers et l’aimable préfet patriote, quelqu’un me dit :

— Botrel est ici.

— Ah ! c’est un brave garçon plein de cœur et qui sait son affaire. Je voudrais beaucoup l’applaudir.

— Rien de plus aisé. Matin et soir, on groupe autour de lui les soldats, et dans l’intervalle il s’en va chanter auprès des blessés.

Le lendemain matin, fort aimablement, on est venu me chercher et me conduire au quartier, dans l’immense salle du manège où deux mille soldats en bon ordre étaient déjà rangés devant une estrade très haute et peu solide, gentiment décorée de faisceaux tricolores. On m’installe, j’en suis tout confus, dans le fauteuil présidentiel, au milieu du petit groupe des officiers ; mais, faute de place, les deux mille soldats demeurent debout et fort serrés. Diable ! me disais-je, c’est moi qui ne voudrais pas être à la place de Botrel ! Comment va-t-il dégeler son monde et se dégeler lui-