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L’Étranger. — Posez maintenant votre pouce sur cette feuille de papier… Allons, fésez. Encore, encore ! Thank you !… (Il examine les empreintes avec une loupe.) Vous avez été blessé à la main ? à la main droite… Vous, pas souvenir ?

Jacques, mettant les mains dans ses poches. — Moi !… non… je ne me rappelle pas…

Jean, souriant. — Mais si, voyons, vieux Jacques ; tu as eu la main prise dans une machine à battre, jadis, à la ferme ; c’est vieux… mais je vois encore ta main saignante. J’étais petit et n’avais jamais vu de sang, on n’oublie pas ses premières impressions. Qu’as-tu à craindre ? Sois franc.

Jacques. — Oui… je me souviens… Voici la cicatrice…

L’Étranger. — Et la voici, marquée sur le verre. Voyez avec ce loupe…

Jacques. — Inutile !… c’est vrai : j’ai bu dans ce verre !

Tous. — Ah !

Jacques. — Oui… je n’en ai rien dit… parce que M. le Juge me soupçonnait… et j’ai craint d’augmenter les charges élevées contre moi. Quand je suis entré ici, que j’ai vu, le premier, not’ maître, pâle, défiguré, et son petit gâs presque quasi mort itou sur lui — (Regardant Yves dans son fauteuil.) — tiens ! il s’est endormi le pauvre innocent ! — j’ai eu comme qui dirait un éblouissement !… la sueur froide m’a donné si chaud que j’ai vu le moment où j’allais tomber dans des faïences, comme une femmelette… sans même avoir le temps de donner l’éveil ! Alors, comme devant moi y avait un verre de vin, je l’ai pris et je l’ai bu et ça m’a remis le cœur et l’esprit d’aplomb. Plus tard, quand on a dit, comme ça, qu’on allait emporter la bouteille et les verres pour examiner s’il y avait des traces de doigts, j’ai tâché moyen d’essuyer contre mon gilet la trace des miens, en passant les verres à M. Duflair, qui n’y a vu que