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Celui-là, c’est ton petit père
Au cœur angoissé, ténébreux,
Depuis que ta petite mère
A dû vous quitter tous les deux.

Sois bon, sois indulgent, pardonne,
En suivant, inlassablement,
Ces conseils que Jésus te donne,
Mais que lui souffle ta maman !


Voici qui est mieux pensé qu’exprimé… mais bah ! Yvonnik n’est pas encore bien connaisseur… et il sera très touché de voir l’Enfant-Dieu emprunter l’esprit de sa maman et même la voix de son papa pour lui dicter ses divins conseils. Un cylindre vierge ? voilà ; le diaphragme enregistreur ? voici ; l’appareil est remonté ? Oui. Allons-y. (Il s’assied devant son bureau, le dos tourné à la fenêtre. Il presse un déclic et le cylindre se met à tourner. Robert dicte, d’une voix forte, dans le pavillon :)[1].

Cher Yvonnet, gai petit ange,
Par ce froid matin de Noël,
Écoute cette voix étrange
Mais qui descend, tout droit, du ciel :

Qui descend du ciel pour te dire
D’être bon pour les gueux tremblants
Et d’égayer d’un doux sourire
Leurs humbles cœurs, toujours dolents.


(Dès le premier vers, une ombre surgit dehors, derrière la baie vitrée ; un homme masqué d’un mouchoir dans lequel deux trous sont percés à la place des yeux, revêtu d’un ciré de pêcheur, coiffé d’un casque-suroît, passe, doucement, la main à travers le papier mis en place du carreau cassé, tourne l’espagnolette et pousse la fenêtre ; puis après avoir déposé ses sabots au dehors, il enjambe l’appui, entre, lève son poing armé d’un couteau et l’abat, rapide, dans le dos de Robert, qui pousse un hurlement de douleur.)

  1. L’artiste fait semblant d’enregistrer, cela va sans dire. Le cylindre que l’on entendra aux 2e et 3e actes aura dû être impressionné d’avance, au cours des répétitions.