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Jean, s’écartant doucement. — Mais il s’agit aujourd’hui d’Henry, un ingrat qui tourmenta notre mère, qui la tortura à en mourir. Je préfère l’ignorer désormais !

Robert. — Soit, je n’irai pas contre ton désir, qui est d’ailleurs celui d’Henry. Rien n’est donc changé ici depuis tout à l’heure. (S’asseyant.) Changeons de conversation. Qu’avais-tu à me dire ?

Jean, s’asseyant aussi. — Je voulais vous parler, mon frère, de ce joyau de famille que, par un sentiment louable et malgré les difficultés pécuniaires, vous vous êtes obstiné à vouloir conserver.

Robert. — Le diamant noir des Rajahs ?

Jean. — Oui. Sa valeur est, dit-on, considérable.

Robert. — Considérable. C’est une pierre unique au monde.

Jean. — Monnayée, elle permettrait de réparer ce manoir qui en a bien besoin. Or, une agence indienne se proposerait de vous faire des offres royales, si toutefois vous désirez la céder.

Robert. — Je croirais manquer au sentiment de la famille en me séparant de ce souvenir.

Jean. — J’approuve, mon frère, d’aussi pieux motifs. Et, moi-même, j’ai, plus que tout autre peut-être, le culte des ancêtres et le respect des morts. Aussi ce que j’en dis n’est-il que pour ne point voir cette demeure, qu’ils avaient rêvée, édifiée avec amour, s’en aller en ruines sous l’assaut violent du vent de mer.

Robert, se levant. — N’aie crainte, Jean, nous nous priverons, s’il le faut, mais cette relique ne sortira pas d’ici… Tiens… (Il tire le diamant d’un coffret sorti d’une cachette qu’il vient d’ouvrir à l’intérieur de la hotte de la vieille cheminée.) Regarde-le… le beau diamant noir : vois cet éclat incomparable. Moi, j’y retrouve le regard profond, ardent, sombre et clair à la fois de l’ancêtre, ce regard fier d’avoir conquis cet œil de pierre