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Robert. — C’est ton frère !

Jean. — Cet aventurier…

Robert. — C’est notre frère ! Voyons ! Moi qui ne refuserais pas asile à un fugitif inconnu, pouvais-je fermer ma porte à un Kéravel ?

Jean. — Henry de Kéravel est mort… mort désormais pour tous !

Robert. — Qu’importe ! s’il est vivant pour nous ! Vraiment, ta sévérité, Jean, me semble exagérée.

Jean. — Oh ! rassurez-vous, je n’irai pas jusqu’à m’élever contre la volonté de l’aîné de la famille. Vous voulez que cet homme demeure ici : à votre guise ! mais souffrez, mon frère, que je paraisse ignorer, toujours, ce que vous avez cru bon que j’ignore jusqu’ici. Celui que vous avez recueilli ne sera jamais à mes yeux que l’intendant François.

Robert. — Tu m’étonnes et tu me peines, Jean, en parlant de la sorte. C’est la première fois, la première, que nous ne sommes pas entièrement d’accord.

Jean. — La première fois, oui… nos cœurs ont toujours battu à l’unisson.

Robert. — C’est vrai : à l’unisson pour essayer de venger notre père, à l’unisson pour aimer notre mère… à l’unisson aussi — hélas ! — pour aimer notre cousine, la douce Yolande…

Jean. — Pourquoi, hélas !… Nous l’aimions tous deux, c’est vrai ; mais elle n’aimait, elle, que vous. Je n’avais qu’à m’effacer et je le fis loyalement, discrètement, comme je le devais.

Robert. — Sans trop souffrir ?

Jean. — Ceci ne regarde que moi… Au reste, le temps endort tous les souvenirs : les bons et les mauvais. Vivante, vous fûtes seul, désormais, à l’aimer ; morte, nous fûmes deux à la pleurer.

Robert, voulant l’embrasser. — Jean !