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Il dort à présent sous le vert gazon,
Bercé doucement par le vent qui pleure,
Et, seul ici-bas, je sais la raison
Qui coucha l’enfant sous terre, avant l’heure.

Voici le secret :

Vous n’ignorez pas

Qu’il était le fils d’une pauvre veuve
Qui perdit son homme et ses autres gâs
Aux pêches d’Islande et de Terre-Neuve ;

Or, pour arracher le futur ingrat
Aux charmes trompeurs de la Mer sauvage,
La veuve voulut que l’enfant jurât
Qu’il ne quitterait jamais le rivage…

L’enfant promit tout, jura… sans savoir,
Garda les moutons au lieu d’être mousse ;
Comme un petit homme il fit son Devoir…
Mais, souvent, des pleurs mouillaient sa frimousse

Par les matins clairs quand, de sa maison,
Il apercevait, entre les Sept Îles,
Quelque grand vaisseau couper l’horizon,
Comme il maudissait ses jours inutiles !

Il aurait voulu passer les hivers
Au coin du foyer de la bonne vieille ;
Puis, en février, sur le Flot pervers
Tenter l’Inconnu dont on dit merveille ;