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« Bien placé mes deniers, bien cédé mon Commerce. »
Puis, redressant son char gisant à la renverse,
Pressé de rattraper ces longs instants perdus,
Il salua Jésus, Jacques et Jean confondus,
Et s’en fut à grands pas, vers le Sud, vite, vite…
…Comme si le Voleur était à sa poursuite.

Jean, montrant celui-là qui volait et tuait,
Toujours au même endroit, paralysé, muet,
Cria : « Que ferons-nous de ce brigand, Ô Maître ?
« Il mérite la Mort, ce voleur et ce traître !
« Si vous le permettiez, Jacques et moi nous irions
« À la Ville chercher quelques centurions. »

Et Jésus répondit : « Non, cet homme doit vivre :
« Après avoir jeté son long couteau de cuivre,
« Qu’il aille vers le Nord et marche jour et nuit
« Jusqu’à l’heure où mon Père aura besoin de lui. »

Et le bandit sinistre et roux comme une bête
Baissa, baissa plus bas encor sa lourde tête,
Se traîna jusqu’au Christ et, d’un geste câlin,
Baisa, les yeux en pleurs, sa tunique de lin…
Puis il s’en fut plus triste en la forêt plus sombre,
Suivi par son Remords comme on l’est par son Ombre.

Jacques et Jean, stupéfaits, regardaient Jésus-Christ.

Et Jésus murmura : « Vraiment, c’était écrit :
« L’un et l’autre il fallait qu’aujourd’hui je les sauve. »