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PÉRI EN MER !…




… Hélas ! dans les vingt ans que j’ai fait la Grand’Pêche
J’en ai-t-il vu mourir des Terneuvas ! — N’empêche
Que s’il est une mort que je n’oublierai pas
C’est celle du premier de mes quatre grands gâs !

Je vas en quelques mots vous en conter l’histoire :

Nous étions tous plongés dans la nuit la plus noire
Quand, mon quart achevé, très las, je m’endormis,
Vautré dans l’entrepont à côté des amis ;
Il faisait cependant un bien rude tangage :
Le Vent, dans nos deux mâts, hurlait, faisait tapage ;
Et, vraiment, pour dormir ainsi que nous dormions
Il fallait être morts à demi : nous l’étions !

Une main, tout à coup, me pousse ; et je me lève,
Croyant que c’est déjà l’équipe de relève
Et que mon gâs s’en vient se coucher à son tour ;
Comme il faisait toujours aussi noir qu’en un four
Je demande : « Est-ce toi, mon petit ? »… Mais, dans l’ombre,
Une voix nous cria : « Debout, les gâs ! On sombre :
« Huit hommes à la pompe et le reste là-haut ! »
J’attrape mon « ciret » puis, ne faisant qu’un saut,
J’arrive sur le pont que la Vague féroce
De bout en bout balaie à chaque instant, la rosse !
Mais, voilà que, sinistre, un cri traverse l’air :
« À l’Avant, par tribord, un homme dans la Mer ! »
Tonnerre ! si le bougre en réchappe, me dis-je,
Ce sera par un coup qui tiendra du prodige !
D’autant que nous avions touché sur un écueil…