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Ceux qui n’ont jamais lu, n’ayant jamais su lire :
Le pêcheur qu’une barque emporte tous les soirs,
Le laboureur qui passe en semant les espoirs,
L’artisan dont le rêve est souvent du délire ;

Ceux qui ne savent plus, ceux dont s’ouvrent les yeux
Le vieillard dont la main ne peut tourner la page,
L’enfant qui ne connaît encore que l’image,
Ceux-là n’auront-ils pas un poète pour eux ?

Et si, dans leur regret de l’étude choisie,
Si, par leur ignorance ou leur légèreté,
Ils vivent sans jamais sourire à la Beauté,
Seront-ils donc privés de toute poésie ?

Et c’est bien là ton rôle, ô naïve Chanson,
D’aller au cœur de tous sans le secours du Livre
Et de faire vibrer dans le bonheur de vivre
L’âme où ton charme éveille un suave frisson.

La Chanson qui pénètre au fond de la chaumière
Pour s’asseoir au foyer, courir sur les lits-clos,
Suivre le pâtre aux champs, le mousse sur les flots,
Apportant à chacun la joie et la lumière ;