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L’hiver a cessé

L’hiver a cessé, la lumière est tiède
Et danse, du sol au firmament clair,
Il faut que le cœur le plus triste cède
À l’immense joie éparsé dans l’air.
J’ai depuis un an le printemps dans l’âme,
Et le vert retour du doux floréal,
Ainsi qu’une flamme entoure un flamme,
Met de l’idéal sur mon idéal.
Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne
L’immuable azur où rit mon amour,

La saison est belle et ma part est bonne,
Et tous mes espoirs ont enfin leur tour.
Que vienne l’été ! Que viennent encore
L’automne et l’hiver ! Et chaque saison
Me sera charmante, ô toi, que décore
Cette fantaisie et cette raison !

— Paul Verlaine


Après un rêve

Dans un sommeil que charmait ton image
Je rêvais le bonheur, ardent mirage ;
Tes yeux étaient plus doux, ta voix pure et sonore
Tu rayonnais comme un ciel éclairé par l’aurore ;
Tu m’appelais, et je quittais la terre
Pour m’enfuir avec toi vers la lumière ;
Les cieux pour nous entr’ouvraient leurs nues,
Splendeurs inconnues, lueurs divines entrevues
Hélas ! Hélas, triste réveil des songes !
Je t’appelle, ô nuit, rends-moi tes mensonges ;

Reviens, reviens radieuse,
Reviens, ô nuit mystérieuse !

— Romain Bussine


En sourdine

Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond,
Melons nos âmes, nos cœurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.
Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton cœur endormi
Chasse à jamais tout dessein,
Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes des gazons roux.
Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.

— Paul Verlaine