Page:Bossuet - Textes choisis et commentés par H. Brémond, tome 1 - 1913.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

à votre cruelle destinée ; et voyez la suite : Que ce qui doit mourir aille à la mort ; que ce qui doit être retranché soit retranché. Entendez-vous ces paroles ? Et que ceux qui demeureront se dévorent les uns les autres. O prophétie trop réelle, et trop véritablement accomplie ! La reine avait bien raison de juger qu’il n’y avait point de moyen d’ôter les causes des guerres civiles qu’en retournant à l’unité catholique, qui a fait fleurir durant tant de siècles l’Eglise et la monarchie d’Angleterre autant que les plus saintes Eglises et les plus illustres monarchies du monde. Ainsi, quand cette pieuse princesse servait l’Eglise ; elle croyait servir l’Etat ; elle croyait assurer au roi des serviteurs en conservant à Dieu des fidèles. L’expérience a justifié ses sentiments, et il est vrai que le roi son fils n’a rien trouvé de plus ferme dans son service que ces catholiques si haïs, si persécutés, que lui avait sauvés la reine sa mère. En effet il est visible que, puisque la séparation et la révolte contre l’autorité de l’Eglise a été la source d’où sont dérivés tous les maux, on n’en trouvera jamais les remèdes que par le retour à l’unité, et par la soumission ancienne. C’est le mépris de cette unité qui a divisé l’Angleterre. Que si vous me demandez comment tant de factions opposées, et tant de sectes incompatibles, qui se devaient apparemment détruire le unes les autres, ont pu si opiniâtrement conspirer ensemble contre le trône royal, vous l’allez apprendre.

Un homme s’est rencontré d’une profondeur d’esprit incroyable, hypocrite raffiné autant qu’habile politique, capable de tout entreprendre et de tout cacher, également actif et infatigable dans la paix et dans la guerre, qui ne laissait rien à la fortune de ce qu’il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance ; mais au reste si vigilant et si prêt à tout, qu’il n’a jamais manqué les occasions qu’elle lui a présentées ; enfin, un de ces esprits remuants et audacieux qui semblent être nés pour changer le monde. Que le sort de tels esprits est hasardeux, et qu’il en paraît dans l’histoire à qui leur audace a été funeste ! Mais aussi que ne font-ils pas, quand il plaît à Dieu de s’en servir ? Il fut donné à celui-ci de tromper les peuples, et de prévaloir contre les rois. Car, comme il eut aperçu que dans ce mélange infini de sectes, qui n’avaient plus de règles certaines, le plaisir de dogmatiser sans être repris ni contraint par aucune autorité ecclésiastique ni séculière était le charme qui possédait les esprits, il sut si bien les concilier par là qu’il fit un corps redoutable de cet assemblage monstrueux. Quand une fois on a trouvé le