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repos funeste, et une entière indépendance, dans l’indifférence des religions, ou dans l’athéisme.

Tels, et plus pernicieux encore, comme vous verrez dans la suite, sont les effets naturels de cette nouvelle doctrine. Mais de même qu’une eau débordée ne fait pas partout les mêmes ravages, parce que sa rapidité ne trouve pas partout les mêmes penchants et les mêmes ouvertures, ainsi, quoique cet esprit d’indocilité et d’indépendance soit également répandu dans toutes les hérésies de ces derniers siècles, il n’a pas produit universellement les mêmes effets : il a reçu diverses limites, suivant que la crainte, ou les intérêts, ou l’humeur des particuliers et des nations, ou enfin la puissance divine, qui donne quand il lui plaît des bornes secrètes aux passions des hommes les plus emportées, l’ont différemment retenu. Que s’il s’est montré tout entier à l’Angleterre, et si sa malignité s’y est déclarée sans réserve, les rois en ont souffert, mais aussi les rois en ont été cause. Ils ont trop fait sentir aux peuples que l’ancienne religion se pouvait changer. Les sujets ont cessé d’en révérer les maximes, quand ils les ont vu céder aux passions et aux intérêts de leurs princes. Ces terres trop remuées, et devenues incapables de consistance, sont tombées de toutes parts, et n’ont fait voir que d’effroyables précipices. J’appelle ainsi tant d’erreurs téméraires et extravagantes qu’on voyait paraître tous les jours. Ne croyez pas que ce soit seulement la querelle de l’épiscopat, ou quelques chicanes sur la liturgie anglicane, qui aient ému les Communes. Ces disputes n’étaient encore que de faibles commencements, par où ces esprits turbulents faisaient comme un essai de leur liberté. Mais quelque chose de plus violent se remuait dans le fond des cœurs : c’était un dégoût secret de tout ce qui a de l’autorité et une démangeaison d’innover sans fin, après qu’on en a vu le premier exemple.

Ainsi les Calvinistes, plus hardis que les Luthériens, ont servi à établir les Sociniens, qui ont été plus loin qu’eux, et dont ils grossissent tous les jours le parti. Les sectes infinies des Anabaptistes sont sorties de cette même source ; et leurs opinions, mêlées au calvinisme, ont fait naître les Indépendants, qui n’ont point eu de bornes, parmi lesquels on voit les Trembleurs, gens fanatiques, qui croient que toutes leurs rêveries leur sont inspirées ; et ceux qu’on nomme Chercheurs, à cause que dix-sept cents ans après Jésus-Christ ils cherchent encore la religion, et n’en ont point d’arrêtée.

C’est, Messieurs, en cette sorte que les esprits une fois émus,