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leurs erreurs entre les mains de ses aumôniers. Heureuse d’avoir conservé si soigneusement l’étincelle de ce feu divin que Jésus est venu allumer au monde ! Si jamais l’Angleterre revient à soi, si ce levain précieux vient un jour à sanctifier toute cette masse où il a été mêlé par ses royale mains, la postérité la plus éloignée n’aura pas assez de louanges pour célébrer les vertus de la religieuse Henriette, et croira devoir à sa piété l’ouvrage si mémorable du rétablissement de l’Eglise.

Que si l’histoire de l’Eglise garde chèrement la mémoire de cette reine, notre histoire ne taira pas les avantages qu’elle a procurés à sa maison et à sa patrie. Femme et mère très chérie et très honorée, elle a réconcilié avec la France le roi son mari, et le roi son fils. Qui ne sait qu’après la mémorable action de l’île de Ré, et durant ce fameux siège de la Rochelle, cette princesse, prompte à se servir des conjonctures importantes, fit conclure la paix qui empêcha l’Angleterre de continuer son secours aux calvinistes révoltés ? Et dans ces dernières années, après que notre grand roi, plus jaloux de sa parole et du salut de ses alliés que de ses propres intérêts, eut déclaré la guerre aux Anglais, ne fut-elle pas encore une sage et heureuse médiatrice ? ne réunit-elle pas les deux royaumes ? Et depuis encore ne s’est-elle pas appliquée en toutes rencontres à conserver cette même intelligence ? Ces soins regardent maintenant vos Altesses Royales ; et l’exemple d’une grande reine, aussi bien que le sang de France et d’Angleterre que vous avez uni par votre heureux mariage, vous doit inspirer le désir de travailler sans cesse à l’union de deux rois qui vous sont si proches, et de qui la puissance et la vertu peuvent faire le destin de toute l’Europe.

Monseigneur, ce n’est plus seulement par cette vaillante main et par ce grand cœur que vous acquerrez de la gloire. Dans le calme d’une profonde paix, vous aurez des moyens de vous signaler, et vous pouvez servir l’Etat sans l’alarmer, comme vous avez fait tant de fois, en exposant au milieu des plus grands hasards de la guerre une vie aussi précieuse et aussi nécessaire que la vôtre. Ce service, Monseigneur, n’est pas le seul qu’on attend de vous ; et l’on peut tout espérer d’un prince que la sagesse conseille, que la valeur anime, et que la justice accompagne dans toutes ses actions. Mais où m’emporte mon zèle, si loin de mon triste sujet ? Je m’arrête à considérer les vertus de Philippe, et je ne songe pas que je vous dois l’histoire des malheurs de Henriette.