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presque exclusivement consacré à la carrière oratoire de ce grand homme. À l’oraison funèbre de Henriette de France et à celle de Henriette d’Angleterre, qui par leur date (1669, 1670) appartiennent de droit au présent volume, nous avons cru devoir ajouter celles qui, dans l’ordre chronologique, viennent plus tard. Encore devinons-nous faire un choix et, fidèles à une sorte de classement séculaire, nous arrêter de préférence aux deux premiers et au dernier de ces discours (les deux Henriette et le grand Condé). Ce n’est pas que ce classement n’ait une part d’arbitraire, des amateurs du goût le plus fin donnant leur préférence à l’oraison funèbre de la princesse Palatine. Mais le moyen de tout citer d’une œuvre aussi riche ?

Dans une édition scolaire des oraisons funèbres, qui est ou qui devrait être entre les mains de tous les lettrés, Jacquinet a fort bien défini l’idée que Bossuet se faisait de ce genre que, du reste, il aimait peu. « Bossuet, dit-il, vers la fin de sa glorieuse carrière de prédicateur (1669) prend possession avec éclat de l’oraison funèbre : elle se renouvelle, ou plutôt devient tout autre sous sa main : forme et fond, tout est changé. Si l’orateur consent à glorifier dans la chaire le souvenir d’une créature mortelle, ce n’est là qu’une partie de sa tâche, et ce n’est pas, tant s’en faut, la principale… Enseigner, instruire, faire pénétrer, à l’occasion d’un éloge, une grande leçon au cœur d’un auditoire chrétien ; mettre dans tout son jour, au milieu d’une solennité funèbre, une de ces hautes vérités religieuses sur la vie, sur la mort, sur les destinées éternelles de l’âme, qui jamais n’ont plus de chance d’être écoutées qu’en présence d’un tombeau, telle est l’œuvre que surtout et avant tout il veut accomplir. L’orateur et le prêtre se confondent dans un même effort. »

Même conçue de la sorte, on ne peut, sans une injustice assez puérile, demander à l’oraison funèbre « ni la complète impartialité de l’histoire proprement dite, ni la minutieuse ressemblance du portrait ». « C’est un éloge, dit encore Jacquinet, mais un éloge donné après une attentive et pénétrante étude du modèle ; pris sur le vif en quelque