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plus redoutable ; si, après avoir rempli tout le monde de votre nom et toutes les histoires de vos faits, vous ne travaillez à des œuvres qui soient comptées devant Dieu et qui méritent d’être écrites au livre de vie ? Votre Majesté n’a-t-elle pas vu dans l’évangile de ce jour l’étonnement du monde alarmé dans l’attente du jour effroyable où Jésus-Christ paraîtra en sa majesté ? Si les astres, si les éléments, si ces grands ouvrages, que Dieu semble avoir voulu bâtir si solidement pour les faire durer toujours, sont menacés de leur ruine, que deviendront les ouvrages qu’auront élevés des mains mortelles ? Ne voyez-vous pas ce feu dévorant qui précède la face du juge terrible, qui abolira en un même jour et les villes, et les forteresses, et les citadelles, et les palais, et les maisons de plaisance, et les arsenaux, et les marbres, et les inscriptions, et les titres, et les histoires, et ne fera qu’un grand feu et peu après qu’un amas de cendre de tous les monuments des rois ? Peut-on s’imaginer de la grandeur en ce qui ne sera un jour que de la poussière ? Il faut remplir d’autres fastes et d’autres annales.

Dieu, messieurs, fait un journal de notre vie ; une main divine écrit ce que nous avons fait et ce que nous avons manqué de faire. Notre histoire nous sera un jour représentée et sera représentée à tout l’univers. Songeons donc à la faire belle. Effaçons par la pénitence ce qui nous y couvrirait de confusion et de honte. Éveillons-nous, l’heure est venue. Les raisons de nous presser deviennent tous les jours plus fortes : la mort avance, le péché gagne, l’endurcissement s’accroît ; tous les moments fortifient le discours que je vous ai fait, et il sera plus pressant encore demain qu’aujourd’hui. L’apôtre le dit à la suite de mon texte : Propior est nostra salus. « Notre salut est tous les jours plus proche. » Si notre salut s’approche, notre damnation s’approche aussi ; l’un et l’autre marchent d’un pas égal. Car « comment échapperons-nous, dit le même apôtre, si nous négligeons un tel salut ? » Quomodo nos effugiemus si tantam neglexerimus salutem ? Faisons donc notre salut, puisque Dieu nous envoie un tel Sauveur : Jésus-Christ va venir au monde « plein de grâce et de vérité « ; soyons fidèles à sa grâce et attentifs à sa vérité, afin que nous participions à sa gloire. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Quelques-unes des principales oraisons funèbres prononcées par Bossuet achèveront splendidement ce volume,