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santé n’est pas déplorée. Ne perdons pas ce moment de force ; donnez des regrets, donnez des soupirs ; ce sont les signes de vie que le céleste médecin vous demande. Après, laissez agir sa main charitable. « Car pourquoi voulez-vous périr ? Je ne veux point la mort de celui qui meurt : convertissez-vous et vivez, dit le Seigneur tout-puissant. » Et quare moriemini, domus Israël ? quia nolo mortem morientis, [dicit Dominus Deus], revertimini et vivite.

Mais je n’ai rien fait, chrétiens, d’avoir peut-être un peu excité votre attention au soin de votre salut, par la parole de Jésus-Christ et de l’Évangile, si je ne vous persuade de vous occuper souvent de cette pensée. Toutefois, ce n’est pas l’ouvrage d’un homme mortel de mettre dans l’esprit des autres ces vérités importantes : c’est à Dieu de les y graver. Et comme je n’ai rien fait aujourd’hui que vous réciter ses saintes paroles, je produirai encore en finissant ce qu’il a prononcé de sa propre bouche, chapitre vi, Deutéronome : « Écoutez, Israël. Le Seigneur votre Dieu est le seul Seigneur. Vous l’aimerez de tout votre cœur, de toute votre âme et de toute votre force. Mettez dans votre cœur mes paroles et les lois que je vous donne aujourd’hui ; racontez-les à vos enfants et méditez-les en vous-même, soit que vous soyez assis dans votre maison, soit que vous marchiez dans le chemin, en vous couchant et en vous levant, qu’elles vous soient toujours présentes ; que mes préceptes roulent sans cesse devant vos yeux, en sorte que vous ne les perdiez jamais de vue. » Movebuntur inter oculos tuos : non comme un objet mort qui n’émeut pas, mais comme un objet mouvant qui éveille les sens. Telle est la loi inviolable des anciens. Pesez-en toutes les paroles. Elle leur commande d’avoir Dieu et ses saints commandements dans le cœur ; d’en parler souvent afin d’en rafraîchir la mémoire ; d’y avoir toujours un secret retour, de ne s’en éloigner point parmi les affaires, et néanmoins de prendre un temps pour y penser à repos dans son cabinet avec une application particulière ; de s’éveiller et de s’endormir dans cette pensée, afin que, notre ennemi étant toujours attentif à nous surprendre, nous soyons toujours en garde contre ses embûches. Ne me dites pas que cette attention n’est d’usage que pour les cloîtres et pour la vie retirée. Ce précepte formel a été écrit pour tout le peuple de Dieu. Les juifs, tout charnels et grossiers qu’ils sont, reconnaissent encore aujourd’hui que cette obligation indispensable leur est imposée. Si nous prétendons, chrétiens, que ce précepte ait moins de