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Esprit a donnés aux hommes, il n’y en a aucun que le Fils de Dieu ait répété si souvent, que les saints apôtres [aient] inculqué avec plus de force, que celui de veiller sans cesse. Toutes les épîtres, tous les évangiles, toutes les pages de l’Écriture sont pleines de ces paroles : « Veillez, priez, prenez garde, soyez prêts à toutes les heures ; parce que vous ne savez pas à laquelle viendra le Seigneur ». En effet, faute de veiller à notre salut et à notre conscience, notre ennemi qui n’est que trop vigilant, et nos passions qui ne sont que trop attentives à leurs objets, nous surprennent, nous emportent, nous mettent entièrement sous le joug, et traînent nos âmes captives devant le redoutable tribunal de Jésus-Christ, avant que nous ayons seulement songé à en prévenir les rigueurs par la pénitence C’est ce dangereux assoupissement que craignait le divin psalmiste, lorsqu’il faisait cette prière : « Éclairez mes yeux, ô Seigneur ! de peur que je ne m’endorme dans la mort. » C’est pour prévenir l’effet de cette mortelle léthargie, que l’apôtre nous dit aujourd’hui : « Mes frères, l’heure est venue de vous réveiller de votre sommeil. »

Et moi, pour suivre ses intentions, je combattrai tout ensemble le sommeil et la langueur ; le sommeil qui vous rend insensibles ; la langueur qui, vous empêchant de vous éveiller tout à fait et de vous lever promptement, vous replonge de nouveau dans le sommeil. [Je] vous montrerai en deux points, premièrement, chrétiens, que ceux-là sont trop nonchalamment et trop malheureusement endormis, qui ne pensent pas à Dieu ni à sa justice ; secondement, que l’heure est venue de nous réveiller de ce sommeil ; et que cette heure, c’est l’heure même où nous sommes, et celle où je vous excite et où je vous parle. Ainsi, après avoir éveillé ceux qui dorment dans leurs péchés, je tâcherai de vaincre les délais de ceux qui disputent trop longtemps avec leur paresse. Voilà simplement et en peu de mots le partage de mon discours. Donnez-moi du moins vos attentions dans un discours où il s’agit de l’attention elle-même.

PREMIER POINT

Afin que personne ne croie que ce soit un crime léger de ne penser pas à Dieu, ou d’y penser sans considérer combien c’est une chose terrible de tomber entre ses mains, j’entreprends de vous faire voir que ce crime est une espèce d’athéisme.