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parle : vous le verrez attendri, vous le verrez indigné ; vous entendrez ses caresses, vous entendrez ses reproches ; celles-là pour amollir votre dureté ; [ceux]-ci pour confondre votre ingratitude. En un mot, pour surmonter ces remises d’un cœur qui diffère toujours de se rendre à Dieu, j’ai dessein de vous faire entendre les douceurs de son amour attirant, et les menaces pressantes de son amour méprisé.

premier point

Qui me donnera des paroles pour vous exprimer aujourd’hui la bonté immense de notre Sauveur et les empressements infinis de sa charité pour les âmes ? C’est lui-même qui nous les explique dans la parabole du bon pasteur, où nous découvrons trois effets de l’amour d’un Dieu pour les âmes dévoyées : il les cherche, il les trouve, il les rapporte, « Le bon pasteur, dit le Fils de Dieu, court après sa brebis perdue. » Vadit ad illam quœ perierat : c’est le premier effet de la grâce : chercher les pécheurs qui s’égarent. Mais il court « jusqu’à ce qu’il la trouve » : donec inveniat eam ; c’est le second effet de l’amour : trouver les pécheurs qui fuient ; et après qu’il l’a retrouvée, il la charge sur ses épaules ; c’est le dernier trait de miséricorde : porter les pécheur qui tombent.

Ces trois degrés de miséricorde répondent admirablement à trois degrés de misère où l’âme pécheresse est précipitée : elle s’écarte, elle fuit, elle perd ses forces. Voyez une âme engagée dans les voies du monde ; elle s’éloigne du bon Pasteur, et en s’éloignant elle l’oublie ; elle ne connaît plus son visage, elle perd tout le goût de ses vérités. Il s’approche, il l’appelle, il touche son cœur. — Retourne à moi, dit-il, pauvre abandonnée ; quitte tes plaisirs, quitte tes attaches ; c’est moi qui suis le Seigneur ton Dieu, jaloux de ton innocence et passionné pour ton âme. — Elle ne reconnaît plus la voix du Pasteur qui la veut désabuser de ce qui la trompe, et elle le fuit comme un ennemi qui lui veut ôter ce qui lui plaît. Dans cette fuite précipitée, elle s’engage, elle s’embarrasse, elle s’épuise, et tombe dans une extrême impuissance. Que deviendrait-elle, messieurs, et quelle serait la fin de cette aventure, sinon la perdition éternelle, si le Pasteur charitable ne cherchait sa brebis égarée, ne trouvait sa brebis fuyante, ne rapportait sur ses épaules sa brebis lasse et fatiguée, qui n’est plus capable de se soutenir ?