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toutefois, au milieu de cette matière et à travers l’obscurité de nos connaissances qui vient des préjugés de nos sens, si nous savons rentrer en nous-mêmes, nous y trouverons quelque p[rinci]pe qui montre bien par une certaine vigueur son origine céleste et qui n’appréhende pas la corruption.

Je ne suis pas de ceux qui font grand état des connaissances humaines ; et je confesse néanmoins que je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu’a fait[esl la science pour pénétrer la nature, ni tant de belles inventions que l’art a trouvées pour l’accommoder à notre usage. L’homme a presque changé la face du monde : il a su dompter par l’esprit les animaux, qui le surmontaient par la force ; il a su discipliner leur humeur brutale et contraindre leur liberté indocile. Il a même fléchi par adresse les créatures inanimées : la terre n’a-t-elle pas été forcée par son industrie à lui donner des aliments plus convenables, les plantes à corriger en sa faveur leur aigreur sauvage, les venins même à se tourner en remèdes pour l’amour de lui ? Il serait superflu de vous raconter comme il sait ménager les éléments, après tant de sortes de miracles qu’il fait faire tous les jours aux plus intraitables, je veux dire au feu et à l’eau, ces deux grands ennemis, qui s’accordent néanmoins à nous servir dans des opérations si utiles et si nécessaires. Quoi plus ? il est monté jusqu’aux cieux : pour marcher plus sûrement, il a appris aux astres à le guider dans ses voyages ; pour mesurer plus également sa vie, il a obligé le soleil à rendre compte, pour ainsi dire, de tous ses pas. Mais laissons à la rhétorique cette longue et scrupuleuse énumération, et contentons-nous de remarquer en théologiens que Dieu ayant formé l’homme, dit l’oracle de l’Écriture, pour être le chef de l’univers, d’une si noble institution, quoique changée par son crime, il lui a laissé un certain instinct de chercher ce qui lui manque dans toute l’étendue de la nature. C’est pourquoi, si je l’ose dire, il fouille partout hardiment comme dans son bien, et il n’y a aucune partie de l’univers où il n’ait signalé son industrie.

Pensez maintenant, messieurs, comment aurait pu prendre un tel ascendant une créature si faible et si exposée, selon le corps, aux insultes de toutes les autres, si elle n’avait en son esprit une force supérieure à toute la nature visible, un souffle immortel de l’Esprit de Dieu, un rayon de sa face, un trait de sa ressemblance.

Non, non, il ne se peut autrement. Si un excellent ouvrier