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C’est ce que faisoient les romains. Nourrir du bestail, labourer la terre, se dérober à eux-mesmes tout ce qu’ils pouvoient, vivre d’épargne et de travail : voilà quelle estoit leur vie ; c’est de quoy ils soustenoient leur famille, qu’ils accoustumoient à de semblables travaux. Tite Live a raison de dire qu’il n’y eût jamais de peuple où la frugalité, où l’épargne, où la pauvreté ayent esté plus long-temps en honneur. Les senateurs les plus illustres, à n’en regarder que l’exterieur, differoient peu des païsans, et n’avoient d’éclat ni de majesté qu’en public, et dans le senat. Du reste on les trouvoit occupez du labourage et des autres soins de la vie rustique, quand on les alloit querir pour commander les armées. Ces exemples sont frequens dans l’histoire romaine. Curius et Fabrice, ces grands capitaines qui vainquirent Pyrrhus, un roy si riche, n’avoient que de la vaisselle de terre ; et le premier à qui les Samnites en offroient d’or et d’argent, répondit que son plaisir n’estoit pas d’en avoir, mais de commander à qui en avoit. Aprés avoir triomphé, et avoir enrichi la république des dépouïlles de ses ennemis, ils n’avoient pas de quoy se faire enterrer. Cette moderation duroit encore pendant les guerres puniques. Dans la premiere on voit Régulus général des armées romaines demander son congé au senat pour aller cultiver sa métairie abandonnée pendant son absence.