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y perpetuoient la memoire des actions les plus éclatantes des siécles passez. De là est née la poësie changée dans la suite en plusieurs formes, dont la plus ancienne se conserve encore dans les odes et dans les cantiques employez par tous les anciens, et encore à present par les peuples qui n’ont pas l’usage des lettres, à loûër la divinité et les grands hommes.

Le stile de ces cantiques hardi, extraordinaire, naturel toutefois en ce qu’il est propre à representer la nature dans ses transports, qui marche pour cette raison par de vives et impetueuses saillies affranchi des liaisons ordinaires que recherche le discours uni, renfermé d’ailleurs dans des cadences nombreuses qui en augmentent la force, surprend l’oreille, saisit l’imagination, émeut le coeur, et s’imprime plus aisément dans la memoire.

Parmi tous les peuples du monde, celuy où de tels cantiques ont esté le plus en usage, a esté le peuple de Dieu. Moïse en marque un grand nombre, qu’il désigne par les premiers vers, parce que le peuple sçavoit le reste. Luy-mesme en a fait deux de cette nature. Le premier nous met devant les yeux le passage triomphant de la mer Rouge, et les ennemis du peuple de Dieu les uns déja noyez, et les autres à-demi vaincus par la terreur. Par le second Moïse confond l’ingratitude du peuple, en célebrant les