Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

terre, et les auteurs des inventions utiles à la vie humaine, eûrent bientost aprés les honneurs divins. Les hommes porterent la peine de s’estre soûmis à leur sens : les sens déciderent de tout, et firent, malgré la raison, tous les dieux qu’on adora sur la terre.

Que l’homme parut alors éloigné de sa premiere institution, et que l’image de Dieu y estoit gastée ! Dieu pouvoit-il l’avoir fait avec ces perverses inclinations qui se déclaroient tous les jours de plus en plus ? Et cette pente prodigieuse qu’il avoit à s’assujetir à toute autre chose qu’à son Seigneur naturel, ne montroit-elle pas trop visiblement la main étrangere, par laquelle l’oeuvre de Dieu avoit esté si profondément alterée dans l’esprit humain, qu’à peine pouvoit-on y en reconnoistre quelque trace ? Poussé par cette aveugle impression qui le dominoit, il s’enfonçoit dans l’idolatrie, sans que rien le pust retenir. Un si grand mal faisoit des progrés étranges. De peur qu’il n’infectast tout le genre humain, et n’éteignist tout-à-fait la connoissance de Dieu, ce grand Dieu appella d’enhaut son serviteur Abraham, dans la famille duquel il vouloit établir son culte et conserver l’ancienne croyance tant de la création de l’univers que de la providence particuliere avec laquelle il gouverne les choses humaines.

Abraham a toûjours esté célebre dans l’Orient. Ce n’est pas seulement les hébreux qui le