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GILLES DE RAIS.

plis du tissu le plus fin, des aumusses et des chapeaux de chœur de fin-gris doublé de menu-vair, comme s’ils eussent été de grand état et de grande science, constitués en dignité ; et ainsi que les chanoines d’églises cathédrales ont accoutumé d’en avoir. » Enfin, pour les voyages, « il leur faisait faire chaperons et robes des draps les plus fins, mais courtes, pour chevaucher plus commodément » ; il leur fournissait de plus, comme nous avons dit, des serviteurs, des haquenées et des chevaux du plus haut prix ; des malles et des « bahuts » pour transporter leurs effets. On n’avait « point mémoire et l’on ne croyait pas qu’on pût jamais voir dans la chapelle d’un prince ou d’un roi de France, telle superfluité, tels excès, dépense si déraisonnable[1]. »

Sa prodigalité, envers ceux de sa chapelle qu’il affectionnait plus particulièrement, était plus insensée encore que son luxe n’était ambitieux. Quand la fantaisie lui venait de prendre à son service un clerc étranger à sa maison, il n’y avait point de présents si précieux qu’il ne lui offrît pour l’engager à le suivre. Apprenait-il que dans une église éloignée était applaudie une belle voix d’homme ou d’enfant ? il mettait « tout son pouvoir et toute sa puissance à l’avoir », et n’avait point d’aise qu’il ne l’entendît retentir sous les voûtes de sa chapelle. À quelles folles dépenses ne l’entraînèrent pas ces désirs désordonnés ! Un jour qu’il avait entendu chanter, dans l’église de Saint-Hilaire de Poitiers, un jeune enfant de La Rochelle, nommé Rossignol, il se l’attacha en lui donnant, à lui d’abord, la terre de la Rivière, située près de Machecoul, qui ne rapportait pas moins de deux cents livres de rentes ; plus encore trois cents écus à son père et à sa mère ; et il l’envoya chercher à Saint-Hilaire avec un train magnifique, « comme s’il eût été un enfant illustre et de grande maison[2] ? »

D’après ces excès, on se fait aisément l’idée que tout ce qui était nécessaire à l’office divin n’était pas fourni avec

  1. Mémoire des Héritiers, fo 8 ro.
  2. Ibidem.