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GILLES DE RAIS.

passer tous les autres hommes et d’égaler les princes et les rois, le jeta promptement bien au delà des justes limites de la raison.

Lorsqu’il fut créé maréchal de France, et surtout lorsqu’il vécut retiré des camps, sa première fantaisie fut de s’environner de l’attirail d’une maison militaire. Il entretint à ses frais une garde de plus de deux cents hommes montés à cheval, pages, écuyers, chevaliers, magnifiquement équipés et vêtus : cour brillante, dont les princes eux-mêmes ne pouvaient s’entourer. Chacun de ces hommes avait son emploi marqué ; il avait un héraut d’armes qui portait son nom, « Rais-le-héraut[1] ; » Jean Chartier lui-même, le chroniqueur de Charles VII, et celui de tous les historiens du temps qui nous fournit le plus de détails sur Gilles de Rais, paraît avoir fait partie de cette troupe[2]. Tous ces gens, qui avaient eux-mêmes leurs serviteurs particuliers, n’avaient à se préoccuper ni du soin de leur personne, ni du soin de leur maison ; tous étaient aux gages du maréchal, et tous très grassement payés. C’est de lui qu’ils recevaient le vivre et le couvert ; et il n’y avait point de table mieux servie que n’était la table que Gilles de Rais tenait ouverte à tout venant. Du maître, ils tenaient leur équipement, leurs chevaux, leurs harnais ; de lui enfin, tous leurs vêtements riches et variés. Deux ou trois fois l’an, ils étaient magnifiquement habillés de neuf, sans qu’il leur en coûtât le moindre écu : il est vrai qu’à ce prix, Gilles de Rais avait l’orgueil de voir à son service une maison militaire bien montée, bien tenue, digne de son rang en un mot, ou plutôt, pour parler le langage de ses héritiers, « bien au-dessus de sa position » ; car, « ce n’était pas état de baron, mais de prince. »

Parmi les fantaisies les plus extraordinaires de cet homme, il faut citer sa chapelle et sa collégiale. En mars 1435, il était dans la ville d’Orléans. Sans cesse poursuivi par l’image de

  1. Pièce communiquée par M. Doinel.
  2. Ibidem.