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SA RETRAITE ; SES CAUSES.

Georges de la Trémoille, que la retraite du maréchal n’a point été l’effet nécessaire de la chute du favori. À quelle cause faut-il donc l’attribuer ?

En examinant les choses de près, il est facile d’en trouver la vraie raison ; elle fut l’effet des reproches auxquels ses folles dépenses le mettaient en butte de la part de ses parents et de ses amis, et des mesures qu’ils prirent pour prévenir la ruine imminente de sa fortune. On verra dans la suite de sa vie la curieuse et longue histoire de ses prodigalités, et pas à pas on suivra la trace des folies qui le menèrent au gouffre de la ruine. L’arrêt royal, que sa femme et son frère obtinrent en 1437, était une véritable interdiction prononcée contre lui, et nous montre quelles étaient, depuis de longues années déjà, les préoccupations de tous les siens. Aussi longtemps qu’ils avaient vu en lui un prodigue avide d’honneurs et de plaisirs, qui dissipait ses revenus immenses aux caprices mouvants de ses goûts, aussi longtemps ils étaient demeurés tranquilles. Mais, quand ils le virent attaquer même ses domaines, ses châteaux, ses forêts, ses champs, engager sa propre fortune et celle de sa femme, vendre à vil prix ses plus riches seigneuries ; quand ils virent passer en des mains étrangères, dangereuses quelquefois, au gré de ses flatteurs, les lambeaux de son patrimoine, la plus belle propriété territoriale peut-être qu’il y eût sous le soleil de France à cette époque, ils essayèrent naturellement de la retenir dans leurs propres mains. Justement alarmés de l’avenir, ils obtinrent, à force de démarches auprès de Charles VII, un arrêt, qui, mettant Gilles de Rais en tutelle pour l’administration de ses biens, les rassurait et contre les folies du dissipateur et contre la rapacité des courtisans.

Il est évident qu’avant de recourir à ce remède extrême, ils avaient employé ceux que l’on prend d’ordinaire contre les jeunes fous : les observations, les remontrances, les prières, les menaces. Mais il faut convenir que ces moyens étaient de bien faibles obstacles contre le flot de ses passions