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GILLES DE RAIS.

Enfin, le Mystère du siège d’Orléans, qui, au dire de M. Jules Quicherat, n’a aucune valeur historique (singulière assertion !) parce qu’il suit trop pas à pas l’histoire, nous fournit, dans le rôle qu’y joue Gilles de Rais, les protestations les moins douteuses de son dévouement pour Jeanne. Il serait difficile d’y rencontrer, exprimées plus de fois et en plus de manières différentes, la foi en la mission de la Pucelle et la croyance aux voix divines qui l’inspiraient. À n’en pas douter, les visions de Jeanne, d’après ses paroles, sont des voix, mais des voix distinctes, personnelles. Elle le déclare en vingt endroits divers, mais surtout à Rouen, devant ses juges. C’est de ses voix qu’elle parlait, à Poitiers, devant les clercs chargés de l’examiner ; c’est de ses voix qu’on s’entretenait à la cour et autour d’elle : personne n’ignorait donc que l’inspiration d’en haut se produisait à elle particulièrement sous cette forme. Pour bien des raisons, Gilles de Rais ne pouvait l’ignorer moins que personne. Il vivait au milieu de la foule dont ces voix étaient l’ordinaire entretien ; surtout, curieux comme il l’était, placé par son rôle à côté de Jeanne, admis dans son intimité et dans sa confiance, il n’est pas admissible qu’il ne l’ait pas interrogée quelquefois sur les sources de son inspiration. De là, s’il est vrai, comme on doit le croire, que le Mystère du siège d’Orléans fut composé avant la mort de Gilles ; s’il est vrai qu’il l’ait fait jouer lui-même à Orléans vers 1435 ou 1436, il n’est pas supposable, ou que l’auteur du poème lui ait prêté des sentiments qu’il n’avait pas, ou qu’il l’ait fait parler contrairement à ses croyances. La présence de Gilles à Orléans est un gage de la vérité historique de son rôle dans le drame. C’est donc sa foi en Jeanne d’Arc, c’est donc sa parole elle-même qu’on trouve rapportées au conseil du roi, lorsqu’il dit de la campagne de la Loire :


          De la Pucelle, en somme toute,
          On ne lui doit rien refuser ;
          Et que son plaisir on escoute,
          Que bel vois lui fait propposer.