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CONTRE GILLES DE RAIS.

pere et mere qu’il y avoit ung bon gentilhomme o ledit sire de Rais, qui se appelloit Espadin[1], o qui il avoit bonne congnoessance, o lequel il desiroit demourer, pour ce que il lui avoit promis bien l’apareiller et le mener ou pais d’amont et lui faire beaucoup de biens. Et, sur celle confiance, consentirent sesdits pere et mere qu’il y allast, et, de fait, y alla le landemain qu’il fut venu d’o ledit Princzay, sans coucher a leur hostel que une nuyt ; et, depuis, estant allé audit lieu de la Suze, ou lors ledit sire estoit, ils y virent continuelment leurdit enffant par le temps de sept jours durant, lesquelx celui sire alla hors la ville, et y fut quatre ou cinq jours, delessé partie de ses gens et ledit filz oudit lieu de la Suze : et que, un jour du retour dudit sire, celui enffent ala ches ses pere et mere, dist a sadite mere que ledit sire l’amoit bien, et qu’il venoit de netoier sa chambre, et que son mestre lui avoit donné ung pain de bouche dudit sire, lequel il bailla a sadite mere. Mesmes lui dist que ung nommé Symonnet, l’un des gens dudit sire, lui avoit baillé ung autre pain de bouche pour porter a une femme en la ville. Et dient que, depuis, ilz ne virent leurdit enffant, ne n’en oyrent novelles, nonobstant qu’ilz en ayent fait pluseurs complaintes a des gens dudit sire, quelx respondoint que ung chevalier escossays[2], qui l’aimoit bien, l’en avoit enmené. Mesmes en firent complainte a la femme mestre Jehan Briend[3] depuis ung moys, que soit la femme dudit Hubert, et que celle femme Jehan Brient dist a ladite femme dudit Hubert qu’elle avoit dit que ledit sire avoit tué sondit enffant. Sur quoy celle femme Hubert lui dist qu’elle n’en avoit riens dit, et celle femme dudit Briend lui dist que si avoit et qu’il en mescherroit a elle et a autres.

Item, dient que, depuis la perdicion dudit enffant, celui sire demoura a Nantes par le temps d’environ quinze jours, pendant lesquelx celui Espadin envoya querir cest Hubert ainsi qu’il dit, lui demanda ou estoit sondit enffent ; sur quoy, il lui respondit qu’il ne savoit et qu’il l’avoit baillé audit Espadin, et qu’il lui en respondroit : et que, sur ce, ledit Espadin lui dist qu’il estoit ung foul, et qu’il avoit perdu son enffant. Aussi dient qu’ilz ont oy a la De Grepie, Regnaud Donete, Denis de Lemyon et sa femme, et Jehan Janvret et sa femme, se complaindre pareillement d’avoir perdu des enffans.

Item, dit ledit Hubert que, sur ce que, depuis la perdicion de sondit enffant, il avoit dit audit Princzay qu’il avoit fait grant peché

  1. Appelé ailleurs Spading.
  2. Sans doute Spading.
  3. Briant avait un fils au service absolu de Gilles de Rais : ce jeune enfant, officiellement classé dans la chapelle, était le préféré de Gilles.