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COMPAGNON DE JEANNE D’ARC.

se reposer de ses fatigues ? Comme plusieurs autres capitaines, fut-il établi gouverneur de quelque place importante ? ou bien demeura-t-il au milieu de l’armée rendue au repos, comme l’exigeaient la nature et l’importance de son grade militaire ? Pendant le temps qui s’écoula entre la retraite de Paris et la mort de Jeanne d’Arc, Gilles de Rais ne se montre qu’une seule fois, et c’est aux environs de Rouen où Jeanne était prisonnière. Elle l’était, depuis le 24 mai 1430 qu’elle était tombée aux mains des Bourguignons, sous les murs de Compiègne ; trahie, selon toute apparence, ou du moins lâchement abandonnée par un parti auquel on a voulu, mais à tort, nous le prouverons tout à l’heure, mêler le maréchal de Rais. Vendue au roi d’Angleterre, de prison en prison elle était arrivée, vers la fin de décembre, jusqu’à Rouen, où les Anglais, peu satisfaits de la faire mourir, voulant surtout la déshonorer, lui faisaient son inique procès[1].

Pendant que la libératrice de la France était prisonnière, la Trémoille et Regnault de Chartres négociaient ; le roi l’avait oubliée. Le parti jaloux de Jeanne avait perdu de vue cette campagne de Normandie qu’il avait si fortement conseillée lorsque la Pucelle voulait lancer le roi sur la route de Reims. Dans la Normandie, cependant, la guerre s’était rallumée. Richemont, l’ennemi de la Trémoille, combattit tout l’hiver sur les frontières ; La Hire, qui s’était emparé de Louviers, située à quelques lieues de la ville de Rouen, en sortait à tout moment pour ravager la campagne ; et, dans Rouen même, plus d’un Anglais craignait qu’il ne se jetât sur cette ville pour délivrer la Pucelle. Les Anglais, qui avaient assiégé Louviers, s’en étaient emparé le 25 octobre, puis l’avaient rasée et abandonnée. Les Français s’y étaient cependant établis de nouveau, peut-être dans le dessein de tenter un coup de main sur la ville de Rouen. En effet, Gilles de Rais s’y trouva le 26 décembre 1430. Selon toutes les vraisem-

  1. Sur le véritable rôle de l’Église dans ce procès, v. Wallon, t. II, p. 361 et suivantes.