Les jeunes filles. — « Nous pleurons Gwennola, la plus belle et la plus aimée d’entre nous.
Le vieillard. — « Et qu’est devenue Gwennola ?… Vous vous taisez, jeunes filles !… Que se passe-t-il donc ici ?
Les jeunes filles. — « Las ! hélas ! le vilain Barbe-Bleue a fait périr la gentille Gwennola, comme il a tué toutes ses femmes !
Le vieillard, avec terreur. — « Barbe-Bleue habite près d’ici ? Ah ! fuyez, fuyez bien vite, enfants ! Le loup ravisseur n’est pas plus terrible que le farouche baron ; l’ours est plus doux que le maudit baron de Rais.
Les jeunes filles. — « Fuir ne nous est pas permis : nous sommes serves de la baronnie de Rais, et corps et âme nous appartenons au sire de Barbe-Bleue.
Le vieillard. — « Je vous délivrerai, moi, car je suis messire Jehan de Malestroit, évêque de Nantes, et j’ai juré de défendre mes ouailles.
Les jeunes filles. — « Gilles de Laval ne croit pas à Dieu !
« Le vieillard. — Il périra de male mort ! je le jure par le Dieu vivant !… »
La complainte se termine ainsi :
« Aujourd’hui les filles de Pléeur chantent de tout leur cœur et vont danser aux fêtes et aux pardons[1]. Le rossignol fait retentir le bocage de ses tendres accents ; les loris et les bouvreuils redisent leurs plus douces chansons ; la nature tout entière a revêtu sa parure de fête : Gilles de Laval n’est plus ! la Barbe-Bleue est morte ! ».
Le souvenir de l’enquête secrète ouverte et faite par Jean de Malestroit, évêque de Nantes, apparaît manifestement dans ce petit poème : le nom du vieillard, la manière dont il
- ↑ Sur les pardons, V. Hersart de la Villemarqué. Barzaz-Breiz. — Chants populaires de la Bretagne, p. lxxvii et suivantes de l’introduction. C’étaient des fêtes religieuses, populaire, originales, que cet auteur a curieusement dépeintes.