Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/403

Cette page a été validée par deux contributeurs.
380
GILLES DE RAIS.

Son plus grand plaisir était de s’entourer de jeunes filles. Trois surtout, Anne Du Boys, Catherine et Jeanne de Bricqueville, filles de ce misérable Roger de Bricqueville, qui avait eu sur son père une si funeste influence et aux mains duquel elle avait été livrée elle-même dans son enfance, étaient les plus aimées de l’aimable groupe qu’elle se plaisait à former autour d’elle, et dont la gentillesse et les débats égayaient sa solitude et adoucissaient, dans son âme, l’amer regret de n’être pas mère[1]. Contraste vraiment touchant entre Gilles et sa fille ! Par bonté de cœur et tendresse d’âme, Marie s’entoure de jeunes enfants qu’elle environne de toutes les douceurs de la vie, et Gilles fut et demeure encore, par ses cruautés, la terreur des petits, objets malheureux de ses plus grands crimes. Au souvenir des honteux excès de Gilles, son père, que le procès lui avait révélés, l’âme de Marie s’était-elle émue ? avait-elle pris à tâche d’être la joie bienveillante de ces petits, en qui le nom de son père éveillait l’épouvante ? À voir sa sollicitude et sa bonté maternelles pour eux, on est tenté de le croire. Tout ce qu’exigeait leur entretien leur était fourni avec générosité, et, après le nécessaire, l’affection de Marie leur prodiguait encore le superflu. Fins habits, ornements variés, voyages d’agrément, soins assidus et multipliés dans les maladies, il n’était rien qui coûtât à son affection : sa bourse s’ouvrait aussi large que son cœur. Si l’une d’elles se mariait, Marie mettait quelque riche cadeau dans sa corbeille de noce ; s’il arrivait malheur à quelques-uns de ses hommes-liges, elle leur envoyait aussitôt de l’argent. Le compte, dont il est ici question, est plein de ces délicatesses, qui témoignent de la bonté de la fille et qui paraissent avoir eu pour but de faire oublier aux hommes, par des bienfaits, les maux que le père leur avait causés par ses crimes[2].

André de Laval, son mari, lui survécut jusqu’en 1486 ; il

  1. M. Marchegay.
  2. Marchegay, Documents relatifs à Prégent de Coétivy, p. 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44. — 1450, 1451, du 6 mars au 12 janvier. Extrait d’un compte intitulé et original, qui forme un cahier de 20 feuillets en papier.