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SA FILLE.

nom. Tiffauges resta dans la famille des vidames de Chartres, jusqu’en 1560, où cette famille s’éteignit. Après avoir passé successivement à la branche collatérale par héritage en 1550 ; — en 1667, par une première adjudication à Marie de Rieux, veuve de Guy de Scépeaux, comtesse de Chemillé et dame de Mortagne, et par elle, dans le cours du XVIIe siècle à la maison de Gondy et à celle de Cossé-Brissac, il arriva enfin, par une seconde adjudication, le 21 mars 1702, aux mains de la famille Jousseaume de la Bretesche, qui le possède encore aujourd’hui, mais bien différent de ce qu’il fut jadis, à l’époque de Gilles de Rais. Singulières vicissitudes des choses d’ici-bas ! Le temps et les révolutions en ont fait un amas de ruines imposantes : chaque année, au printemps et à l’automne, la charrue trace ses sillons autour du donjon et de la chapelle qui croulent, et les épis mûrissent dans l’enceinte de ces murs, où, prématurément, tant d’enfants ont été moissonnés par le crime[1].

À peine un an après le mariage de sa mère, Marie de Rais, âgée d’environ quinze ans[2], épousa Prégent de Coétivy, amiral de France, qui en avait environ quarante[3]. Prégent, chevalier et chambellan de Charles VII, était seigneur de Coétivy, de Taillebourg et de Lesparre, et gouverneur de la Rochelle. Il appartenait à une grande et illustre famille de la Saintonge ; son père, lieutenant du connétable de Richemont, avait été tué au siège de Saint-Jean-de-Beuvronen 1425, et son fils, qui l’y avait accompagné, hérita de son nom et de sa charge. Il serait superflu de rechercher quel fut le mobile, amour ou cupidité, qui poussa Prégent de Coétivy à demander la main de la jeune Marie : disons seulement que le Mémoire des Héritiers affirme qu’il l’épousa avec la ferme conviction

  1. Prével, Hist. de Tiffauges, p. 150.
  2. Les lettres patentes de Charles VII, du 13 janvier 1446, donnent à Marie l’âge de 4 ou 5 ans à la mort de son père : mais cet âge est invraisemblable : il y a évidemment une faute de copiste.
  3. Du Paz se trompe en disant que Marie était mariée du vivant de son père. Du Paz, p. 226.