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GILLES DE RAIS.

mais ici, toutes ces voix réunies ne devaient pas étouffer les accusations des témoins et des complices, le cri lamentable des enfants et des familles et la voix du sang répandu à flots. Les pièces du procès étaient partout ; les crimes, solennellement prouvés à Nantes, l’avaient été non moins solennellement devant le parlement français : on ne pouvait donc ni les pardonner ni surtout les excuser. Par de semblables considérations, il n’est pas de coupable qui ne pourrait se flatter d’obtenir son pardon et d’être absous ; car il n’en est pas qui ne puisse invoquer ou les services passés de sa famille, ou son peu de jugement, ou mieux encore son dévouement et ses vertus à venir. Le pardon royal enleva les conséquences juridiques du crime, mais il en laissa persévérer toutes les conséquences morales : si la peine du forfait fut remise à Roger de Bricqueville, la faute lui reste, tout entière.

Mais quelle fut la destinée de la foule des domestiques, des flatteurs, bouffons et valets, qu’avaient attirés autour de Gilles la curiosité et plus encore l’ambition ? La nouvelle de son arrestation, de son procès et de sa mort, fut pour tous un coup terrible, même pour les plus innocents. Flatteurs, parasites, bouffons, sorciers, évocateurs, gens suspects de maléfices et d’hérésie, sortis de l’ombre un instant, s’empressèrent d’y rentrer avec précipitation. Mais les officiers, les gens de guerre, les chapelains, les chanoines, les enfants de chœur, toute la chapelle en un mot, la troupe de ses acteurs, que devinrent-ils ? Peut-être qu’effrayés de la triste fin de leur maître, mais assurément épouvantés par la grandeur de ses crimes, plus d’un même craignant de passer pour son complice, ainsi qu’il arrive souvent à ceux qui ont vécu avec les grands coupables, tous se dispersèrent à la hâte ; quand une demeure menace ruine, les habitants en sortent par toutes les issues. Il est certain du moins que les héritiers de Gilles de Rais les remercièrent de leurs services onéreux et les renvoyèrent comme ils étaient venus. Ils avaient vu